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Les Veillees des chaumieres 2022-05-18 PDF Download Magazine

 


Les Veillées des chaumières est une publication hebdomadaire de 60 pages, créée en novembre 1877. Elle perpétue depuis l'origine la tradition du roman feuilleton, et édite par ailleurs des poésies et articles à coloration culturelle, notamment liés au patrimoine français et international.





























 

 

ISSN : 0750-4039

 

eANNةE - HEBDOMADAIRE N° 3532

            18 MAI 2022

 

Des Chaumières

 

Qui peut mieux

 

quun enfant nous arracher à toutes nos amarres ?

 

Christiane Singer

 

 

Actualité

par Hugues Berthon

 

 

Pas folle, l’abeille

 

Déforestation, pesticides, changement climatique, pollution urbaine… on dirait que l’Homme fait tout pour se débarrasser de ces précieux insectes auxquels il doit tant. Un constat qui donne le bourdon. Réagissons!

 

 

e n’est pas une lubie buco-

une heure. Sacrée performance!

des céréales et du riz, il ne reste-

 

 

lique qui a conduit l’ONU à

Si les abeilles disparaissaient, c’est

rait plus grand-chose pour ravir

 

C

décréter le 20 mai Journée

une grande partie de nos plantes

nos papilles. Sans oublier bien

 

 

mondiale des abeilles, mais une

sauvages, de nos cultures vivrières

sûr que nous n’aurions plus de

 

 

réalité scientifique.

et, dans une moindre mesure, de

miel!» Une perspective qui fait

 

 

La pollinisation des plantes à

nos terres agricoles qui serait

froid dans le dos.

 

 

fleurs, c’est-à-dire le processus

rayée de la carte car, sur la cen-

Pour lutter contre la disparition

 

 

de fécondation indispensable à

taine d’espèces de plantes alimen-

des abeilles, le 20 mai, chacun

 

 

leur reproduction, se porte mal.

taires les plus cultivées au monde,

peut prendre quelques initiatives

 

 

Et pour cause, elle est assurée

elles en pollinisent plus de 70 %.

simples: diversifier ses plantations

 

 

par le transport des grains de

«Nous dépendons tous de la

au jardin ou au balcon, bannir pes-

 

 

pollen grâce au vent, à quelques

survie des abeilles», précise sans

ticides, fongicides et herbicides,

 

 

espèces d’oiseaux, de rongeurs,

détour l’ONU. « Sans abeilles,

protéger les nids sauvages, laisser

 

 

d’insectes comme les papillons,

notre régime alimentaire devien-

dehors un récipient propre avec

 

 

mais surtout aux abeilles. Une

drait très monotone, renchérit

de l’eau, mais aussi acheter du

 

 

seule abeille peut en effet stocker

l’Union nationale de l’apiculture

miel brut aux apiculteurs locaux,

 

 

grains de pollen sur une

française, syndicat apicole. Dans

parrainer une ruche ou soutenir la

 

 

seule patte et butiner 250 fleurs en

la pire des hypothèses, en dehors

reforestation. Bzzz…

 

 

 

 

 

SOMMAIRE

Une publication du groupe Reworld Media

 

 

HEBDOMADAIRE N° 3532 - 18 MAI 2022

 

ةDITEUR

 

NOTRE COUVERTURE : Arroser et regarder pousser les fleurs,

 

REWORLD MEDIA MAGAZINES (SAS)

 

une satisfaction pour tout jardinier !

 

, avenue Aristide-Briand - 92220 Bagneux

 

Photo : Shutterstock

 

Directeur de la publication : Gautier Normand Actionnaire : Président Reworld Media France (RCS Nanterre 477 494 371)

 

Actualité

par Hugues Berthon

Tél. accueil : 01-41-33-50-00

Pas folle, l’abeille

 

RةDACTION

 

 

redaction.veillees@reworldmedia.com

 

Exposition

par Antoine Bienvenu

Directrice de la rédaction : Stéphanie Pic

 

 

Rédactrice en chef : Annie Viaud

 

Voyage au pays des objets précieux

 

Assistante de la rédaction : Patricia Molnar

            Cheffe de service fiction : Valérie Dufils

 

Nouvelle

par Gabrielle Adam

 

 

Secrétaire générale de la rédaction :

 

Avares, snobs et envieux

Anne Dumoulin

 

 

Première secrétaire de rédaction :

 

Le monde religieux

par Karine Touboul

Annie Touzé

 

 

Courrier des lecteurs : Ouarda Akdache

 

Anne de Guigné, l’enfant

 

oakdache@reworldmedia.com

 

qu’on appelait « la petite sainte »

 

Première rédactrice graphiste : Soifia Hanami

            Rédactrice graphiste : Ouarda Akdache

 

Agenda médical

par Sandrine Catalan-Massé

Iconographe : Christian Rousselet

Méfiez-vous du syndrome de la cabane !

 

DIRECTION-ةDITION

 

 

Directeur exécutif : Germain Perinet

 

Feuilleton

par Gabrielle Adam

Directrice adjointe aux activités presse :

 

 

Charlotte Mignerey

 

En justes noces

 

        ABONNEMENT ET DIFFUSION Directrice marketing direct : Catherine Grimaud

 

Il était une fois

par Paul Lapaque

 

 

Cheffe de marché senior : Thea Ripamonti

 

Casablanca. اa, c’est Hollywood !

 

Directeur des ventes : Christophe Chantrel

 

Nos jeux de la semaine

par Laurence Tournay

SERVICE ABONNEMENT

 

 

Tél. 01-46-48-48-99

 

Les sœurs célèbres

par Victor Cascales

Du lundi au samedi de 8 h à 20 h

 

 

Mail : formulaire sur www.serviceabomag.fr

 

Françoise et Catherine Laborde,

 

Courrier : Service abonnement

 

unies pour le meilleur et pour le pire

Les Veillées des Chaumières

 

 

59898 LILLE Cedex 9.

 

Feuilleton

par Suzanne de Arriba

 

 

FABRICATION

 

Les héritiers de Val-Vert

 

Directeur des opérations industrielles :

            Bruno Matillat

 

Cap sur

par Jean-Philippe Noël

 

 

Directrice de la fabrication : Isabel Delanoy

 

Madère, un jardin sur l’océan

Chefs de fabrication : Agnès Châtelet, Daniel Rougier

 

 

Prépresse : Sylvain Boularand,

 

responsable de service ; Christophe Guérin,

 

Cest arrivé le

par Astrid Delarue

 

 

 

 

 

responsable de service adjoint

21 mai 1927. Charles Lindbergh

 

 

 

 

 

 

Impression : Rotochampagne,

réussit la traversée de l’Atlantique

 

 

, rue des Frères-Garnier, 52000 Chaumont

 

 

 

AFFICHAGE ENVIRONNEMENTAL

Toutes vos lettres

par Ouarda Akdache

 

 

 

 

Origine du papier

Allemagne

 

 

Taux de fibres recyclées

%

Série

par Anne Rondepierre

 

 

 

 

Certification

PEFC

1 - Les Paimpolaises à la plage

 

 

 

 

 

Impact sur l’eau

Ptot 0,006 kg/tonne

La bonne cuisine

par Caroline Alice

 

 

Grandes salades de printemps

 

 

DةPشT LةGAL : mai 2022

 

 

PRIX AU NUMةRO : 2,30 €

 

Nos amis les animaux

par Karine Touboul

N° ISSN : 0750-4039

 

 

N° CPPAP : 0218 K 80260

 

Des animaux à l’hôpital

 

        Les manuscrits non insérés dans Les Veilléesne sont pas rendus à

 

Allons au jardin

par Carole Bourset

 

 

leurs auteurs. Dans nos textes de

            fiction, toute ressemblance avec

 

Le chardon bleu, roi incontesté des Alpes

 

des situations, des personnes ou

 

des patronymes existant ou ayant

 

 

LemuséedesVeillées

existé serait purement fortuite.

 

 

 

Exposition

 

Antonio Tempesta, La Pêche des perles aux Indes (XVI-XVIIe siècles). Huile sur lapis-lazuli.

          Voyage au paysdes

 

objets précieux

 

L’exposition Venus d’ailleurs du Louvre offre au public un périple aux multiples surprises via des objets en matériaux rares et précieux, importés et sublimés loin de leur pays d’origine, depuis la plus Haute Antiquité.

 

 

es trésors fabuleux venus de contrées loin-

Certains ont étéfabriqués dans unpays avant d’être

 

taines: bijoux, vases, horloges, statuettes,

transformés, magnifiés dans un autre.

D

services à thé, coffrets, éventails… sont

Ils mettent ainsi enlumièreles échanges avec des

 

exposés dans la Petite Galerie, au cœur du Louvre.

mondes lointains bien avant les grandes explora-

 

Ils viennent d’Irak, Iran, Afghanistan, Chine, Inde,

tionsduXVIesiècle. «Le matériau signifie beaucoup

 

Japon, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Sri Lanka,

de choses, explique Philippe Malgouyres, conser-

 

Philippines, ةgypte, Nigeria, Soudan, Mexique

vateur en chef au département des objets d’art du

 

mais aussi deFrance, Espagne, ItalieouAllemagne.

musée du Louvre et commissaire de l’exposition.

 

 

 

 

 

Sa présence loin de sa

 

source dessine en pointillé

 

des réseaux d’échanges

 

que l’on connaissait par

 

fois ou que l’on ignorait. Nous voulons montrer comment les objets portent en eux-mêmes l’empreinte complexe du monde dans lequel ils ont été produits. Les artistes choisissent de les créer à

 

partir de matériaux qu’ils n’ont pas, qui

 

ne sont pas disponibles sur place, qu’il

 

faut donc faire venir de loin. Parfois,

 

ce matériau est plus important même

 

que la fonction de l’objet ou que son iconographie. »

 

Colporteur (1702

 

1703, Allemagne). Ivoire

 

Des matériaux rares

 

d’éléphant, diamants,

 

venus de loin

or émaillé, argent doré.

Sculptés, ciselés, modelés… certains objets sont en

 

ivoire, d’autres en pierres et bois précieux, écailles

 

de tortue, coquillages rares, concrétions, corne…

 

L’exposition met en avant le dialogue entre maté-

Pyxide au nom d’Al-Mughira

 

(968, Cordoue, Espagne). Ivoire d’éléphant.

riau et forme. « Elle assume une nouvelle façon d’en-

 

visager les œuvres, dont elle dresse de véritables

 

biographies, rendant ainsi les objets plus vivants

L’une des parties les plus fournies de l’exposition

pour les visiteurs », explique Jean-Luc Martinez,

concerne les objets fabriqués à partir des défenses

président-directeur honoraire du musée du Louvre.

d’éléphants. L’ivoire restant rare, il est très souvent

L’un des plus anciens de ces objets est une perle

importé. «Nous avons mis ce matériau en avant, car

en lapis-lazuli, une pierre outremer sculptée en

chacun sait d’où il vient, à la différence de certaines

forme de grenouille. Sa datation couvre une four-

pierres », explique Philippe Malgouyres. Son autre

chette assez large, entre 2900 et 2340 avant notre

particularité, c’est que sa forme détermine toujours

ère. Elle a été découverte à Tell Asmar, en Irak, qui

la sculpture à venir. Comme toute contrainte, elle

est l’ancienne ville sumérienne d’Eshnunna. Cette

oblige les artistes à faire preuve de créativité. ہ eux

probable amulette peut être rattachée à Enki, le dieu

de jouer avec, de tenir compte de sa courbure ou de

des eaux et de la sagesse du Proche-Orient ancien.

ne pas en faire le centre de leur œuvre. Un exemple

Un élément de mobilier, un pied sculpté, daté entre

magnifique nous est offert par une sculpture repré-

-656 avant J.-C, c’est-à-dire de la XXVedynastie

sentant saint Michel terrassant les démons, œuvre

 

 

égyptienne, en bois de dalbergia melanoxylon, aussi appelé ébène du Mozambique, représente un nain grimaçant. Il s’agit aussi d’un dieu, certainement originaire de Nubie, le dieu Bès, devenu en ةgypte le protecteur du foyer. La rareté, et donc la préciosité, d’un objet sont variables d’une contrée à une autre. Dans les pays pauvres en forêts, comme l’ةgypte, on fait venir

 

Petite perle en forme

 

du bois, notamment de l’ébène.

de grenouille

 

 

(2900-2340 av. J.-C.,

Le rhinocéros Clara

 

Irak). Lapis-lazuli.

(XVIIIe siècle, Allemagne).

 

 

 

 

Porcelaine de Meissen.

 

 

Coupe : nautile monté en orfèvrerie.

 

Exposition

 

(1617-1618, Allemagne). Nautile,

          argent, argent doré, camées.

 

d’un sculpteur germanique actif

 

ces objets se dessine une coutume :

à Naples vers 1 700. ہ partir

 

dans les cours allemandes, à la

d’un unique bloc d’ivoire, il a

 

fin du XVIIesiècle et au début du

produit une scène aérée. Les ailes

 

XVIIIesiècle, des fêtes étaient organi-

des démons sont aussi fines que

 

sées où les gens se déguisaient en per-

du papier et leurs queues filiformes.

 

sonnes exerçant de petits métiers, tenant

L’artiste rappelle l’origine du matériau en

 

des stands de marchands. » En observant de

 

donnant une forme incurvée à cet ensemble.

près ce colporteur en ivoire, on remarque que

 

Un autre objet en ivoire attire l’attention des

son chapeau trop grand lui couvre à moitié les

 

visiteurs. Fabriqué en Chine, il est destiné au

yeux et lui tombe sur le nez. Il est vêtu d’une

 

monde occidental puisqu’il s’agit d’un crucifix.

épaisse veste et de guêtres. On comprend que

 

Il est créé avec des techniques locales d’après

son accoutrement vient d’un fripier. Sa malle,

 

des modèles importés, et est des-

qui devait être une tabatière, s’ouvre et

 

tiné à un marché lointain. ہ

contient encore des surprises. ہ l’in-

 

l’époque, la Chine fabriquait

térieur, une plaque émaillée : l’une de

 

déjà de nombreux objets

ses faces montre un homme qui court

 

pour l’exportation. C’est notam-

sur une grève. Une inscription dans une langue

 

ment le cas de ses porcelaines. Des

latine indéterminée indique : Speranto mio niento, que

 

millions de pièces étaient envoyées par

l’on peut traduire par « l’espoir est anéanti », avec, en

 

bateau vers l’Europe et en Amérique

arrière-plan, un bateau qui brûle et de la fumée. Le

 

aux XVII et XVIIIesiècles.

revers indique «Marchandise de Vigos » et présente

 

 

des bagues, des couverts, un canif, un petit miroir,

 

Minutie et orfèvrerie

 

 

 

trois flacons de parfum, une lancette et un clys-

 

« Ces objets ne sont pas là pour illus-

tère, un compas, du ruban et des perles, une tasse

 

trer l’Histoire. Ils ont leur propre his-

et sa soucoupe en porcelaine, du café et du chocolat.

 

toire. L’idée est de s’arrêter pour les

 

 

 

Des objets sublimés

 

regarder attentivement et écouter ce

 

 

qu’ils nous racontent », poursuit Philippe

Parfois, dans leur pays d’origine, les matériaux

 

Malgouyres. ہ ce titre, un autre objet en

ne valent rien. Comme cette calebasse des Caraïbes

 

ivoire est extraordinaire. Enrichi d’or et

montée en Allemagne vers 1585-1615 sur une struc-

 

de diamants, il provient des collections

ture en argent doré, jaspe sanguin, améthyste,

 

d’Ana Maria Luisa (1667-1743), der-

grenat et topaze. Ou une noix de coco, montée en

 

nière représentante des Médicis. Plus

vermeil, avec également un travail d’orfèvre. Ces

 

tard, il a appartenu à Marie-Antoinette,

objets exotiques ont été rendus encore plus extraor-

 

qui l’a apporté de Vienne. Il s’agit de la

dinaires par leur transformation.

 

représentation d’un colporteur qui tend

Parfois, des objets finis sont retravaillés pour

 

la main. « Au début du XVIIIesiècle,

devenir encore plus extraordinaires. L’un d’eux

 

l’aristocratie se passionne pour les petits

est un coffret en teck couvert d’écailles de nacre

 

métiers de la rue, raconte le commissaire.

découpées dans un coquillage, le turbo, pêché en

 

Notamment leur représentation sous

Inde. Cette production artisanale, simple et relative-

 

forme de petites statuettes précieuses.

ment sérielle, revêtait un caractère précieux pour les

 

Aussi étonnant que cela puisse paraître,

Européens par son origine lointaine. ہ Paris, l’orfèvre

Pied de

 

 

 

des gens fortunés achetaient ces babioles

Pierre Mangot le transforma en œuvre d’art unique

meuble : le dieu

 

 

 

de luxe représentant des personnes un

de grand luxe en lui créant une monture en 1532.

Bès (780-656

 

 

av. J.-C.,

peu misérables, mendiants ou rémou-

D’autres matières issues de la mer reçoivent

ةgypte). ةbène.

leurs. Le sujet est rendu agréable parce

des montures d’orfèvrerie, comme le nautile, un

 

que c’est une œuvre à petite échelle

céphalopode des plus extraordinaires qui soit. La

 

et qu’elle est constituée de matériaux

coquille de cet animal marin est une merveille de

 

très précieux. Derrière la passion pour

perfection géométrique. En effet, sa croissance se

 

 

 

 

 

Triptyque : Le Christ en croix entre saint François d’Assise et saint Jérôme, la Vierge et saint Jean.

 

(1530-1570, Mexique). Plumes, feuilles d’or, rehauts peints, bois, cuir.

 

fait selon une spirale logarithmique qui se décom-

Une exposition à aborder comme un véritable

pose en rectangles aux proportions parfaites, le rec-

voyage, truffé d’objets et de découvertes étonnantes

tangle d’or selon lequel est construit le Parthénon.

qui évoquent les échanges entre pays éloignés.

 

 

Fabriqués pour l’export

 

Antoine BIENVENU

 

L’histoire complexe de certains des objets n’est pas forcément évidente au premier abord. Ainsi, Exposition Venus d’ailleurs, matériaux

 

l’exposition montre deux aiguières de bois laqué et objets voyageurs, musée du

          Louvre, 75001 Paris. Jusqu’au 4 juillet.

 

au décor japonais, fabriquées au Japon pour l’ex

 

Rens. : petitegalerie.louvre.fr

 

portation. Mais leur long col, terminé par un fin bec verseur, est d’origine perse. « Ces aiguières devaient être exportées où ? Vers l’Europe ? Il serait bizarre d’avoir choisi une forme qui ne parlait pas particulièrement aux Européens, remarque Philippe Malgouyres. Ceux-ci préféraient des objets soit conçus pour eux, soit à la forme purement japonaise. Cette formeci est perse, mais elle est courante dans

 

tout le monde musulman, par exemple au

 

          Maghreb. Aujourd’hui encore, on vend dans les souks des aiguières en laiton de cette forme, qui existe depuis le Ve

ou le VIesiècle et a été copiée dans

          tous les matériaux, y compris la porce

 

laine. » On en conclut donc que ces aiguières

 

furent conçues pour le marché ottoman.

 

 

 

 

Nouvelle

 

Avares, snobs et envieux

 

 

h bien, dis-moi, tes parents, ils avaient

en tee-shirt et que sa mère devait mourir

 

déjà les moyens, à peine fiancés,

de chaud sous son manteau en fourrure.

E

d’avoir une aussi belle voiture ?

- Tu veux visiter la maison? éluda

 

- Et regarde le manteau de maman, du

Mathilde.

vison!

 

Cette dernière venait d’arriver dans la

 

Mathilde avait invité son amie Clémence

région - où son père avait pris la direc-

 

à venir passer ce mercredi après-midi chez

tion d’une petite entreprise de menuiserie

 

elle, et elle avait sorti l’album de photos de

industrielle - avec sa sœur, un peu plus

 

famille. Sur celle qu’elles étaient en train

jeune qu’elle, et leur mère, et Mathilde se

 

de contempler, un jeune couple, appuyé

félicitait d’avoir déjà trouvé une amie. Leur

 

sur la carrosserie d’un magnifique coupé

nouvelle maison était grande, lumineuse,

 

Triumph, souriait à pleines dents à l’objectif.

et donnait sur un grand parc arboré. Ils

 

Clémence fit remarquer en riant que des

avaient eu la chance de pouvoir l’acheter

 

passants, à l’arrière-plan de la photo, étaient

car les anciens propriétaires, très pressés

 

 

 

 

 

par Gabrielle Adam

 

de vendre, en avaient considérablement

dans le vestibule et ouvrit une double porte

 

baissé le prix. « Une affaire en or ! Une

qui donnait sur une vaste pièce vitrée sur

 

bouchée de pain ! », s’était réjoui le père.

trois côtés.

 

Les deux adolescentes s’engagèrent dans

 

Clémence perçut tout de suite un cou-

le couloir. Mathilde ouvrait une à une toutes

rant d’air froid qui parvint jusqu’à elle et

 

les pièces. Il y en avait huit en tout. Elle

ne demanda pas à pénétrer dans cette gla-

 

la fit entrer dans sa chambre où son amie

cière. Elle montra juste du doigt, impres-

 

remarqua tout de suite le papier peint

sionnée, un majestueux piano à queue qui

 

défraîchi, où se multipliaient à l’infini de

trônait au milieu de la salle et demanda qui

 

petits oursons, ce qui aurait mieux convenu

en jouait dans la famille.

 

à un bébé qu’à une fille de quatorze ans.

 

- Oh! ma mère tapote un peu de temps en

- Nous allons le changer, bien entendu !

temps. Elle était assez douée étant jeune,

 

dit Mathilde.

paraît-il, lui fut-il répondu d’un air faus-

 

Clémence avisa ensuite les deux lits qui

sement distrait.

 

occupaient la pièce et s’étonna qu’avec

 

Son amie jeta un œil à l’horloge comtoise

tant d’espace à disposition, les deux sœurs

qui trônait dans l’entrée.

 

n’aient pas chacune leur chambre.

 

- Ne t’y fie pas, elle n’est pas à l’heure.

- Louise a peur la nuit. Tu te rends

Elle s’est détraquée dans le déménagement.

 

compte ? ہ bientôt douze ans, elle ne peut

 

- Mon grand frère doit venir me chercher

encore pas dormir toute seule !

à cinq heures. Il devrait déjà être là. Dis, tu

 

Une porte coulissante masquait au fond

ne m’as pas dit que vous aviez un portail

 

de la pièce une petite salle de bains, dont

automatique ? Je n’ai jamais vu comment

 

les étagères étaient vides.

ça fonctionne. Tu me montres?

 

- Ouah! c’est le grand luxe! Vous allez

 

- Désolée, c’est mon père qui a la télé-

avoir votre propre salle de bains! C’est bien

commande. Une autre fois !

 

pratique le matin, quand il n’y en a qu’une

 

 

et que tout le monde se dispute pour l’oc-

 

 

cuper !

 

lémence enfila son manteau et, en

Mathilde sourit modestement, avançant

 

attendant son frère, jeta un œil à la

que son père gagnait très bien sa vie. Elle

C

rangée de livres, à la tranche dorée,

dit ensuite que, par discrétion, elle ne mon-

qui ornait un des murs de l’entrée. Folle de

 

trerait pas la chambre de ses parents.

littérature, elle poussa un petit cri :

 

Elles retournèrent à la cuisine où l’album-

 

- Oh! Tolstoï, Balzac… tout ce que j’aime!

photos était resté ouvert sur la table.

 

Et elle voulut s’emparer d’un livre. Une

Clémence sortit alors d’un sac en plastique

espèce de longue boîte vide lui tomba dans

 

une bouteille de jus de fruits et une autre

les mains. Elle regarda son amie qui affi-

 

de Coca-Cola.

chait une mine un peu dépitée.

 

- Ma mère a dit que, comme ça, on aurait

 

- Oh ! je comprends ! C’est pour la déco !

le choix !

Il faut avouer que ça fait son petit effet. Je

 

- Je suis désolée, je t’avais dit que la

m’y suis laissée prendre.

 

mienne ferait un gâteau, mais apparem-

 

Un coup de klaxon se fit entendre à

ment, elle n’a pas eu le temps. Je n’ai trouvé

l’extérieur. En marchant vers le portail,

 

que ça dans le placard.

Clémence remarqua un bassin vide et cou-

 

Et elle déposa sur la table un paquet de

vert de mousse, dit qu’il faudrait y mettre

 

petits-beurre déjà entamé.

des poissons.

 

Elles grignotèrent les biscuits en papo-

- C’est prévu, répondit Mathilde.

 

tant gaiement.

 

Elles rejoignirent le frère de Clémence

- Oh ! je ne t’ai pas montré le salon !

qui tournait, admiratif, autour d’une impo-

 

Elle entraîna par la main sa camarade

sante Mercedes.

 

 

 

 

 

 

Avares, snobs et envieux

 

- Vieux modèle, dit le jeune homme, mais

- En marchant, j’économise près de

c’est de la bonne camelote.

quatre euros par jour. Et même si j’achète

- Oui. Papa n’arrive pas à s’en séparer. Il

les tickets par carnets, je gagne quand

se ruine en réparations, mais c’est son père

même presque quinze euros par…

qui la lui a donnée avant de mourir, alors…

- On a compris, papa. Moi, j’ai faim, dit

Les deux adolescentes se firent la bise

Louise, déjà à table.

et se donnèrent rendez-vous le lendemain

- J’arrive, ma puce. Juste le temps d’en-

au lycée.

lever mon costume. Il ne manquerait plus

- J’en ai marre de ne jamais avoir de vête-

que j’y fasse une tache.

ments neufs, à moi! se plaignait la petite

Il réapparut bientôt, dans un survête-

sœur de Louise, en aidant sa mère à mettre

ment hors d’âge, d’un orange clinquant, qui

le couvert dans la cuisine. Tu as déjà défait

datait, il s’en vantait, de son service mili-

deux fois l’ourlet de la veste verte et ça se

taire. ہ l’époque, les produits étaient de

voit !

meilleure qualité. Il n’y avait pas, disait-il,

- Pourquoi acheter des habits neufs alors

cette ruineuse obsolescence programmée.

que ta sœur les a si peu usés ? Vous n’êtes

- Rentre tes coudes, Louise ! Tu prends

pas dans le même établissement scolaire.

trop de place.

Alors, qui s’en apercevra ?

Les deux gamines, comme souvent,

« Heureusement que nous n’avons pas eu

se chamaillaient. Ce soir-là, serrées sur

des jumelles ! » songeait la mère.

la petite table en Formica achetée dans

ہ croire que la nature avait tout prévu.

une brocante (« ça fait vintage », avait dit

- Mets de l’eau dans la bouteille, Louise.

Clémence), elles ne perdaient pas une occa-

Ton père va bientôt arriver.

sion. La mère se mit de la partie :

- Elle pue l’eau de Javel, maman!

- Louise, ne mets pas tant de sucre dans

Mathilde, qui déballait une baguette de

ton yaourt ! Ce n’est pas bon pour la santé.

pain de supermarché, dit qu’elle avait lu

La fillette soupira et sortit de table en

quelque part qu’en laissant reposer l’eau

ayant encore faim, comme tous les soirs, car

quelque temps, l’eau du robinet perdait son

la mère prétendait qu’il n’était pas bon de

affreux goût.

trop manger au dîner. Heureusement qu’il

 

y avait toujours du supplément à la cantine

 

du collège, au repas de midi. Pour un peu,

a porte de la cuisine s’ouvrit et

les parents auraient fait graver sur le mur

laissa place au père de famille.

de la cuisine, tel l’Harpagon de Molière:

L

 

- Tu es trempé! Qu’est-ce qui s’est

« Il faut manger pour vivre et non vivre

passé ? demanda la mère.

pour manger. »

- Il s’est mis à pleuvoir des cordes sur

Mathilde se retira dans sa chambre pour

le trajet entre mon bureau et la gare, et

lire, avec la recommandation expresse de

j’avais oublié mon parapluie, voilà ce qui

son père de ne pas éteindre trop tard. Les

s’est passé.

ampoules étaient homologuées « basse

- Pourquoi ne prends-tu pas le métro ?

consommation », mais bon… Quant aux

demanda Mathilde. Tu gagnerais un bon

parents, ils s’installèrent bientôt à cette

quart d’heure.

même table de la cuisine. Madame avait

- Et je perdrais le prix d’un ticket. Deux,

fini la vaisselle. Il y avait bien un lave-vais-

même, si je fais cette dépense à l’aller et au

selle, qui faisait partie de la cuisine inté-

retour. Multiplié par cinq jours par semaine,

grée quand ils avaient acheté la maison,

ça fait…

mais puisqu’elle avait l’habitude de la faire

Et, le nez en l’air, plongé soudain dans

à la main depuis son mariage, pourquoi se

une espèce de ravissement, il se livrait à

mettre maintenant à cette pratique man-

son passe-temps favori : calculer.

geuse d’eau et d’électricité ?

 

 

 

 

 

Monsieur sortit alors d’un tiroir le fameux

- Mais… ajouta sa femme. J’ai laissé un

carnet noir, son fétiche, son doudou. Tous

euro de pourboire.

les soirs, il y notait scrupuleusement les

- Chérie ! dit le mari avec un air de

dépenses de la journée, des uns et des

reproche. Est-ce qu’on te donne des pour-

autres. Au début du mois, il inscrivait en

boires, à toi, au bureau ?

haut d’une colonne la somme qu’il donnait

- Je n’ai pas pu faire autrement, je t’as-

à son épouse (en liquide, car il jugeait qu’on

sure. Notre voisine, pas de chance, était

maîtrisait mieux les espèces sonnantes et

venue aussi se faire coiffer aujourd’hui, et

trébuchantes que ces fichues cartes ban-

elle était derrière moi à la caisse. Elle s’en

caires qui rendaient l’argent complète-

serait aperçue si je n’avais pas…

 

 

ment immatériel) pour les dépenses du ménage, puis, chaque jour, lui demandait des comptes. Les dépenses imprévues ou

 

exceptionnelles lui arrachaient presque des

En plus d’être pingres

 

 

larmes.

 

à l’extrême, les époux tenaient à

 

Madame alla chercher son porte-monnaie

 

où elle devait conserver tous les justifica

 

afficher un certain standing

 

tifs de ses achats. Elle se vanta ce soir-là

          d’avoir fait de bonnes affaires au super

 

marché. Elle avait sauté sur une promo-

Car, en plus d’être pingres à l’extrême, les

 

 

 

’’

tion de vingt paquets de pâtes (cela se

époux tenaient à afficher un certain stan-

 

conserve longtemps, n’est-ce pas) et réa-

ding, ne serait-ce qu’eu égard à la profession

 

lisé une affaire dont elle n’était pas peu

de monsieur. Mais tout ce qui était censé

 

fière. Ayant pris dans un rayon un paquet

faire de l’effet était faux, hors d’usage, ou

 

de lentilles, elle s’était aperçue qu’il avait un

abîmé. Dans ce dernier cas, on mettait en

 

minuscule trou, d’où avaient pu s’échapper

avant « la patine du temps ». La voiture et la

 

au pire quinze misérables lentilles. Elle s’en

fourrure de la photo de fiançailles avaient

 

était plainte au responsable du rayon qui,

été empruntées, et tant pis effectivement si

 

affable, lui avait proposé d’aller en cher-

elle avait été prise en été. L’essentiel était

 

cher un autre. Mais non, elle avait insisté

d’afficher une certaine aisance. Il manquait

 

pour qu’on lui fasse un rabais sur le paquet

des touches au piano du salon et la com-

 

endommagé. Et, ça avait été décidément un

toise n’avait jamais fonctionné, mais ils pro-

 

jour faste, elle avait trouvé plusieurs lots de

venaient tous deux d’un héritage et donc

 

produits frais dont la date de péremption

n’avaient rien coûté.

 

proche réduisait le prix de moitié. Il y en

 

 

avait peut-être beaucoup, mais bon, on n’al-

 

 

lait pas en mourir, de manger des yaourts

 

ourtant, monsieur avait un bon

dont la date serait un peu dépassée.

 

salaire, mais il rognait sur tout,

Pour le reste, elle avait utilisé des bons

P

jamais si content que lorsque

de réduction distribués dans la boîte aux

les dépenses prévues s’avéraient en fait

 

lettres.

moins importantes. Il chérissait les écono-

 

- Et puis, j’ai bien dû aller chez le coif-

mies, regardait grimper les tas de grosses

 

feur, ajouta-t-elle, contrite. Tu sais, la petite

coupures dans les différentes cachettes

 

échoppe au coin de la rue. Mais j’ai demandé

qu’il avait ménagées dans la maison. En

 

qu’on me les coupe bien court. Cela tiendra

cas de cambriolage, n’est-ce pas, mieux

 

au moins trois mois.

valait ne pas mettre tous ses œufs dans le

 

- Bon, admit monsieur. Combien?

même panier, et surtout pas à la banque,

 

- Trente euros.

en laquelle il n’avait qu’une confiance

 

Il ajouta la somme dans sa colonne.

limitée. Et puis, quelle jouissance de palper

 

 

 

 

 

 

Avares, snobs et envieux

 

à pleines mains son trésor, plutôt que de

finalement, c’était le premier enfant qui coû-

 

regarder bêtement un chiffre augmenter sur

tait le plus cher.

 

un relevé bancaire. Et l’odeur des billets!

 

- Tu verrais la nouvelle voiture de

Il déployait une ingéniosité inouïe pour

Durandel! Elle en jette!

 

trouver des caches qu’il changeait d’ailleurs

 

- Encore ! mais tu ne m’avais pas dit qu’il

régulièrement. L’essentiel était de tromper

en avait déjà changé l’année dernière ?

 

l’éventuel ennemi. Qui irait deviner que le

 

- Oui. C’est littéralement une honte de

sachet marqué « oseille » dans le congéla-

jeter ainsi l’argent par les fenêtres. Mais

 

teur contenait cinq mille euros ou que la

ce qui me tracasse, c’est qu’il occupe un

 

contremarche de la deuxième marche de

poste bien moins élevé que le mien. Il n’est

 

l’escalier était amovible et abritait elle aussi

que chef de bureau. J’ai l’air de quoi, moi,

 

une coquette somme d’argent ?

à arriver à pied!

 

Monsieur y pensait avec un sourire extasié

 

- Ne pourrait-on remettre en état la voi-

à chaque fois qu’il mettait le pied dessus.

ture de ton père?

 

Et que dans la terre de l’énorme potiche de

 

- Malheureuse! tu n’y penses pas. Cela

l’entrée se cachait une autre grosse liasse

coûterait une fortune. Non, il faudrait en

 

savamment emballée dans du plastique ?

trouver une neuve, ou quasi neuve, une

 

Toute la vie du couple tournait autour

belle grosse berline allemande!

 

de l’argent. C’était leur unique source de

 

Madame se mit littéralement à trembler.

plaisir, et ils étaient en train, peu à peu,

Son mari était-il devenu fou ?

 

de communiquer leur névrose à leur fille

 

- Il y a des combines. Et, au pire, je pour-

aînée. Ne disaient-ils pas que les plus beaux

rais ne la prendre qu’une fois par semaine,

 

jours de leur vie avaient été ceux où mon-

juste histoire de la montrer.

 

sieur avait retrouvé un billet de cent euros

 

 

dans la poche de son manteau, en le res-

 

 

sortant de l’armoire après la belle saison,

 

l passa sa nuit à consulter des

ou celui où, par le plus grand des hasards,

 

journaux d’occasions automo-

madame en avait trouvé un sur le trottoir ?

I

biles. Peu importait l’année ou le

Tremblante, elle l’avait prestement ramassé,

kilométrage, ce qui comptait, c’était la car-

 

et si personne ne l’avait vue, c’était bien

rosserie, les pneus, les jantes. Bref, tout ce

 

que le Ciel encourageait leur manie. Ils en

qui se voyait. On verrait bien après. Il avait

 

avaient débouché une bouteille de mousseux

de plus entendu quelque part qu’on pouvait

 

le soir, pour fêter l’heureux événement. Et

louer sa voiture à des touristes pendant les

 

quel désespoir en revanche quand un billet

vacances, comme on loue une maison.

 

oublié dans un pantalon était passé dans la

 

Les filles, ravies, virent donc bientôt

machine à laver! Monsieur en aurait pleuré,

revenir leur père avec une BMW qui, effec-

 

à la vue de ce pauvre morceau de papier

tivement, faisait encore bonne figure.

 

délavé et essoré, quasiment déchiqueté. Ah!

 

- Tu nous emmènes faire un tour?

c’était finalement toute une gestion, un tra-

demanda l’aînée.

 

vail à plein temps que de penser à tout, de

 

- Même pas dans tes rêves, dit Louise,

parer à la moindre éventualité, d’anticiper

maussade.

 

le pire ! Et le jour où il avait perdu son por-

 

La petite, au fur et à mesure qu’elle gran-

tefeuille! Il aurait embrassé le fonctionnaire

dissait, comprenait tout de la maladie de

 

de police qui le lui avait rapporté intact.

ses parents et se doutait qu’elle était irré-

 

Ils en venaient même parfois, avec

médiable.

 

Madame, à envisager la possibilité de mettre

 

Elle souffrait évidemment d’être privée

en route un troisième enfant, pour béné-

d’à-peu-près tout ce dont ses camarades

 

ficier de la valeur ajoutée des allocations

jouissaient, mais surtout de voir ses parents

 

familiales à ce stade d’une fratrie. Parce que

s’acharner à compter sou par sou, alors que

 

 

 

 

 

 

leur père avait un salaire des plus conve-

Quand vinrent les premiers froids, il reculait

 

nables.

de jour en jour le moment d’allumer la chau-

 

Elle était amie au collège avec la fille d’un

dière, comme si le combustible était payé par

 

manutentionnaire de supermarché. Avec sa

ses propres deniers. Les secrétaires, gelées

 

femme, caissière, ils économisaient toute

à force de rester immobiles toute la journée

 

l’année pour que leurs deux enfants aient

devant leur bureau s’en plaignaient quoti-

 

un Noël décent et une semaine de vacances

diennement. Il mit alors en cause leurs vête-

 

au bord de la mer en été. Mathilde et elle

ments trop légers. « Mettez des pantalons

 

n’avaient pour seuls cadeaux que ceux de

et des pulls, que diable ! ہ la place de vos

 

l’arbre de Noël du personnel de l’entreprise

jupes et chemisiers. »

 

de leur père, ce dernier ayant décrété que

Elles le prirent au mot: il les découvrit un

 

cette fête avait perdu tout sens religieux et

matin, toutes les quatre, habillées de dou-

 

était devenue une simple affaire de consom-

dounes et chaussées d’après-ski, un gros

 

mation. Combien de fois leur avait-il répété

bonnet de laine enfoncé jusqu’aux oreilles

 

l’histoire de sa grand-mère qui, autrefois, se

et d’épaisses moufles aux mains. Les four-

 

réjouissait, au retour de la messe de minuit,

nisseurs et clients qui passaient riaient

 

de trouver simplement deux oranges dans

sous cape. Il eut beau leur demander de

 

ses souliers, et de boire une tasse de cho-

cesser leur mascarade et de se mettre au

 

colat ?

travail, elles montrèrent leurs mains, signi-

 

Il imposait aussi sa folie dans son entre-

fiant qu’elles ne pouvaient se servir de leur

 

prise, faisait régner une stricte économie

ordinateur ainsi gantées. Elles menacèrent

 

qui réjouissait les actionnaires. N’avait-il

ensuite de prévenir leur syndicat.

 

pas demandé qu’on utilise le verso des

La mort dans l’âme, il descendit à la chauf-

 

photocopies ratées pour l’imprimer à nou-

ferie et appuya sur le bouton « marche ».

 

veau? Après tout, si c’était pour les besoins

Entendre ronronner la machine lui fut un

 

internes de la boîte, où était le problème? Et

vrai crève-cœur.

 

sous prétexte de voir si tout allait bien dans

Toute la journée ensuite, il calcula le

 

tous les secteurs, il utilisait tous les w.-c. du

nombre de litres de fuel engloutis au fur

 

bâtiment, dans le but d’y dérober à chaque

et à mesure des heures, puis le multiplia

 

fois quelques feuilles de papier toilette.

par le nombre de jours de froid qui restaient

 

Tel un vautour tournant autour de sa proie,

avant le printemps. La somme vertigineuse

 

il surveilla pendant des semaines un chan-

l’épouvanta.

 

tier, guetta le départ des ouvriers et se hâta

 

 

d’aller ramasser les vis, clous, boulons ou

 

 

morceaux de tasseaux qu’ils avaient aban-

 

uis il fallut bien un jour rendre

donnés là. Le garage de la maison était une

 

les invitations que lui avaient

véritable caverne d’Ali-Baba qui regorgeait

P

gentiment faites ses collègues à

de vieux matériel, plus ou moins rouillé ou

son arrivée. Accueillir la reine d’Angle-

 

cassé, mais qui, on ne savait jamais, pou-

terre n’aurait pas posé plus de soucis. Avec

 

vait un jour servir. Car il sortait souvent au

Madame, il décida de les recevoir ensemble.

 

petit matin, avant le passage des éboueurs,

Après tout, quand il y en a pour six, il y en

 

le jour où l’on déposait les « encombrants ».

a pour huit. Le menu posa bien sûr pro-

 

Il avait ainsi déniché récemment, une vieille

blème. Il fallait faire chic sans dépenser

 

tondeuse mécanique, qui mettrait certes

trop. On servirait des filets de limande au

 

longtemps à couper l’herbe du vaste terrain,

lieu de l’onéreuse sole. Il y avait au congé-

 

mais avait l’immense avantage de n’user ni

lateur un gros gâteau, acheté en promotion

 

essence, ni électricité.

il y avait longtemps déjà, qui ferait l’affaire

 

Pourtant, son avarice faillit une fois

en dessert. Pour l’apéritif, on confectionne-

 

déclencher une grève dans l’établissement.

rait de roboratifs canapés qui rempliraient

 

 

 

 

 

 

Avares, snobs et envieux

 

déjà bien l’estomac des convives. C’est bien

Mais au moment de redémarrer, il se

 

connu, ce moment du repas traîne toujours

retourna vers la banquette arrière : de

 

en longueur et, affamés, on se jette sur les

grosses larmes coulaient sur les joues de

 

amuse-gueule. Quant au vin, monsieur

Louise.

 

comptait épater les invités avec une bou-

- Tu me fais honte, papa.

 

teille d’excellent bordeaux, dont un fournis-

 

 

seur lui avait fait cadeau. Et pour l’eau, il ne

 

 

faudrait pas oublier le truc de Mathilde pour

 

out débutait bien. On avait mis

enlever le goût d’eau de Javel. On la servi-

 

en marche le portail automa-

rait dans la jolie carafe en cristal offerte

T

tique, qui avait fait son petit effet,

par Mamie.

madame avait revêtu sa « petite robe noire »

 

Restait l’épineux problème du chauffage

qui lui servait depuis vingt ans dans toutes

 

de la salle à manger. On ne l’avait pas encore

les occasions un peu « habillées », bien que

 

utilisée depuis qu’on était dans la maison.

Louise lui ait fait remarquer une fois qu’elle

 

Un bon feu dans la cheminée, voilà qui serait

la boudinait un peu, et n’était plus vraiment

 

bien ! Mais le bois était hors de prix dans

à la mode. « Penses-tu, c’est classique! », lui

 

le commerce.

avait-elle répondu.

 

- Les filles! je vous emmène en balade

Madame s’excusa de devoir faire le ser-

 

dans la nouvelle voiture ! annonça-t-il

vice, son employée de maison ayant déclaré

 

quelques jours plus tard.

forfait justement ce jour-là. Mathilde sourit,

 

Les gamines sautèrent de joie, un peu

gênée, tandis que Louise levait les yeux au

 

déçues qu’on soit à la tombée de la nuit,

ciel. Tout semblait sous contrôle, on avait

 

mais bon.

verrouillé le couvercle du piano au cas où

 

Au bout de quelques kilomètres, il s’en-

un curieux voudrait jeter un œil sur le cla-

 

gagea dans un chemin de terre, puis s’ar-

vier, et balayé la pièce dans les moindres

 

rêta à proximité d’une vieille maison, qui

recoins. Pourquoi pas un aspirateur? C’était

 

jouxtait un énorme tas de bois.

un objet bruyant, gourmand et pas spé-

 

- Qu’est-ce qu’on vient faire ici? demanda

cialement efficace. Comment faisaient nos

 

Mathilde.

ancêtres ? Ils se servaient d’un balai et bat-

 

- L’aider à charger du bois, pardi, dit

taient les tapis. Pas besoin ici, d’ailleurs,

 

amèrement Louise.

il n’y en avait pas. La pièce offrait en effet

 

- Mais il n’appartient plus à personne!

une décoration des plus minimalistes, voire

 

Regardez, les volets sont fermés.

austère, mais les hôtes s’en excusèrent et

 

- N’empêche qu’il y a une clôture, fit

prétendirent n’avoir pas encore déballé tous

 

remarquer Louise.

leurs cartons.

 

Il les pressa de descendre, enjamba le fil

Le vin, débouché la veille, suscita les

 

barbelé et commença à faire des allers et

exclamations attendues. Les connaisseurs

 

retours entre le tas de bois et le coffre de

claquèrent la langue. Mais une bouteille

 

sa voiture, enjoignant ses filles à en faire

pour huit… Un invité fit remarquer qu’il

 

autant.

lui semblait bien que le généreux fournis-

 

- Papa ! il y a de la lumière derrière les

seur avait donné plusieurs bouteilles.

 

volets ! chuchota soudain Louise dans

- Je me souviens, je les ai vues sur ton

 

l’ombre, et j’entends du bruit.

bureau!

 

- Allez, vite! encore une bûche chacun.

- En effet, mais… le bon vin doit s’aérer,

 

Quelle excitation ! Monsieur était tout

être chambré à température ambiante.

 

guilleret, ravi de son bon coup. Après tout,

- Eh bien, débouche-le et on le mettra au

 

il y avait là des stères et des stères de bois.

coin de la cheminée ! On a bien le temps !

 

Les propriétaires n’y verraient que du feu,

La mort dans l’âme, monsieur redescendit

 

c’était le cas de le dire!

à la cave et prit une seconde bouteille dans

 

 

 

 

 

 

 

le casier, qui ne contenait d’ailleurs que

- On verra, répondit effectivement mon-

 

celles qui lui avaient été offertes. Avisant

sieur.

 

le robinet au mur, il faillit même couper le

- On verra quoi? explosa Louise à l’ar-

 

grand cru avec de l’eau, mais y renonça. Ses

rière. Toutes mes copines ont déjà vu ce

 

invités avaient apparemment la gueule fine,

film ! Y’en a marre, papa, franchement !

 

comme l’avait montré la moue discrètement

Marre de porter des vêtements usagés qui,

 

dégoûtée d’une dame en grignotant un toast

en plus, sentent parfois mauvais parce que

 

qui se voulait recouvert de foie gras.

maman rogne sur la lessive, marre d’user

 

On parlerait longtemps de cette soirée

les savons jusqu’à ce qu’ils deviennent

 

dans l’entreprise, dans le dos de monsieur,

transparents, marrer de tirer la chasse

bien sûr.

 

d’eau une fois sur deux seulement…

 

ne autre source de dépense se

 

 

présenta bientôt. Il fallait bien se

Après lui, ce sera les pompiers.

U

rendre à l’évidence: le lit de Louise

 

 

 

     Ces gens-là, vous leur donnez la était devenu trop petit pour elle, au point ‘‘

 

que ses pieds en dépassaient. Bon sang!

 

main, ils vous prennent le bras

 

Quand arrêterait-elle donc de grandir ? Mais, dans leur malheur, les époux radins

 

eurent la chance qu’on soit en période de

- Il faut avouer que Louise n’a pas tout à

 

’’

soldes. On se rendit donc dans une grande

fait tort, la coupa Mathilde.

surface d’ameublement que monsieur affec-

- J’ai eu douze ans la semaine dernière

tionnait car, à l’entrée, étaient mis à dispo-

et, comme chaque année, vous vous êtes

sition des clients de petits crayons à papier

contentés de me souhaiter mon anniver-

portant le nom du magasin, pour qu’ils

saire, sans le fêter! Et j’en ai aussi marre

notent des mesures, par exemple. Monsieur

de ne pas avoir d’argent de p…

en prit une pleine poignée qu’il fourra dans

- M…, l’interrompit soudain monsieur, en

sa poche. Non qu’il en ait besoin, non plus

arrivant aux abords de la maison. Il y a le

que ses filles, à qui il en avait déjà donné

facteur à la porte. Sans doute pour son fichu

tout un stock (que Louise refusait d’ail-

calendrier en échange d’étrennes.

leurs de mettre dans sa trousse d’école

- Il est déjà venu deux fois cette semaine,

par peur des moqueries), mais parce que

gémit Madame. ہ chaque fois, je n’ai pas

c’était « gratuit ». Mot magique qui mettait

répondu. Gare-toi derrière les buissons et

toujours monsieur dans un état proche de

éteins les phares.

l’extase. De même qu’il adorait, en été, en

- D’autant plus qu’après lui, ce sera les

guise de distraction, emmener sa famille

pompiers. Ces gens-là, vous leur donnez la

aux feux d’artifice ou aux concerts de rue.

main, ils vous prennent le bras.

Il était également très fier de lui d’avoir pu

 

écouler, à la quête d’une messe d’enterre-

Les filles revinrent à la charge pour le

ment à laquelle il avait assisté, ses pièces de

cinéma et il finit par accepter. Lui seul les

monnaie tchèques que, la mort dans l’âme,

accompagnerait, pas besoin de payer une

il n’avait pu changer au retour d’un séjour

entrée supplémentaire pour madame que

professionnel dans ce pays.

le film n’intéresserait sûrement pas d’ail-

En parlant de réjouissances, les filles ce

leurs. Mais les petites en vinrent presque

soir-là, quémandèrent pour aller au cinéma.

à regretter cette sortie tant attendue. Une

La semaine prochaine bien sûr, car elles

réduction étant consentie aux moins de

savaient qu’un tel projet nécessitait toujours

douze ans, monsieur batailla avec la cais-

une période de réflexion de plusieurs jours.

sière pendant un bon quart d’heure pour

 

 

 

 

 

Avares, snobs et envieux

 

 

qu’elle accepte d’admettre que Louise

 

- Il va manger avec moi et nous lui trou-

 

n’avait douze ans que depuis une semaine.

 

verons un coin pour la nuit, dit-elle d’un

 

La dame, brandissant la carte d’identité de

ton décidé.

 

 

Louise, résistait, la loi, c’était la loi.

 

- Mais… commença à protester le père.

 

Devant la file d’attente (d’où provenaient

 

Nous ne connaissons pas cet…

 

des remarques excédées ou ironiques) qui

 

- Ce serait de la non-assistance à per-

 

s’allongeait, elle finit par céder et monsieur

 

sonne en danger, décréta avec emphase

 

se retourna vers la foule avec un air de

 

l’adolescente. Il peut dormir dans mon lit.

 

triomphe, tandis que les pauvres gamines

 

- Tu n’y penses pas! dit la mère. Avec

 

se précipitaient vers la salle obscure. Quant

Mathilde à côté !

 

 

à demander du pop-corn ou des friandises

 

- N’importe où, dit doucement l’homme,

 

à l’entracte, il n’y fallait même pas songer,

 

dans le garage si vous voulez.

 

cela gâtait les dents, n’est-ce pas.

 

- Il y gèle, dit Mathilde.

 

 

 

- Nous allons vous installer un matelas

 

 

 

pneumatique ici, dit le père avec réticence.

 

n soir d’hiver, alors que Louise quit-

 

La cuisine est la seule pièce chauffée la nuit.

 

tait le collège vers dix-neuf heures,

 

- Ce sera très bien, merci beaucoup,

U

car elle était restée à l’étude du

 

affirma le protégé de Louise.

 

soir, elle aperçut à l’arrêt du car à côté de

 

Les parents n’en dormirent pas de la nuit,

 

la gare, un homme, un peu hagard, grelot-

 

guettant le moindre bruit dans la maison.

 

tant dans un mince blouson en coton et dont

 

Et si cet inconnu se mettait à fureter par-

 

le visage lui disait quelque chose. Bientôt,

 

tout, dans le but de dérober quelque chose?

 

elle le reconnut: c’était un des agents de

 

ہ la première heure, ils se levèrent. Le

 

service du collège. S’approchant de lui, elle

 

matelas pneumatique était dégonflé et soi-

 

lui demanda ce qu’il faisait là. Il répondit

 

gneusement roulé dans un coin, les meubles

 

qu’il habitait la banlieue opposée et avait

 

de la cuisine remis à leur place. L’homme

raté le dernier train.

 

était parti.

 

 

- Mais qu’est-ce que vous allez faire ?

 

- Sans un merci, grommela monsieur.

 

demanda Louise, apitoyée.

 

Voilà ce qu’on gagne à vouloir se montrer

 

- Je vais marcher toute la nuit, made-

généreux !

 

 

moiselle, histoire de ne pas me refroidir.

 

- On ne fait pas une bonne action pour

 

- Vous n’y pensez pas ! Et s’il y a un

 

obtenir des remerciements, dit Louise qui

contrôle de police ?

 

 

venait d’entrer. Grâce à nous, cet homme

 

Elle connaissait l’histoire de ce pauvre

 

n’est peut-être pas mort de froid.

 

homme : réfugié d’un lointain pays, il avait

 

Les parents opinèrent. Après tout, leur

 

obtenu tant bien que mal un emploi à mi-

 

hôte ne leur avait coûté qu’un reste de soupe

 

temps au collège, qui lui suffisait à peine à

et de pâtes.

 

nourrir sa famille.

 

 

 

 

Louise ne réfléchit pas longtemps. Elle

 

 

 

l’embarqua avec elle dans le car, lui disant

 

rois jours après, tandis que

 

qu’elle l’emmenait chez elle.

 

madame apprêtait le dîner, elle

 

Il protesta mais elle tint bon.

T

aperçut par la fenêtre une sil-

 

- Maman, j’ai ramené un pauvre homme

 

houette qui s’enfuyait vers le portail. Elle

 

qui ne sait pas où dormir. J’ai pensé que…

 

eut le temps de reconnaître leur « invité »

 

Ses parents étaient déjà en train de faire

 

et se mit à trembler. Son mari avait bien

 

leurs comptes du soir. Louise dînait après

 

raison. Le voilà qui revenait pour faire le

eux ces soirs-là.

 

 

tour de la maison, essayer de trouver un

 

Devant leur air épouvanté à la vue de cet

 

endroit par où s’y introduire, dans le but

 

individu basané, elle s’arrêta.

de les voler !

 

 

 

 

 

 

Vite! Dans un premier temps, fermer tous

 

les volets.

 

L’avare qui a perdu

 

    - Maman! regarde ce que j’ai trouvé sur le paillasson !

 

Louise entrait, les bras chargés d’un

son trésor

 

 

énorme bouquet de fleurs.

 

- Oh ! Louise, cria madame de loin, si tu

L’Usage seulement fait la possession.

 

 

savais ce qui nous arrive! L’étranger est

 

Je demande à ces gens de qui la passion

 

revenu!

 

Est d’entasser toujours, mettre somme sur somme,

 

Elle s’arrêta net à la vue de Louise.

 

Quel avantage ils ont que n’ait pas un autre homme.

 

- Oui, il vient apparemment de déposer

 

Diogène là-bas est aussi riche qu’eux,

 

cela.

 

Et l’avare ici-haut comme lui vit en gueux.

 

Méfiante, la mère s’approcha, retira du

 

L’homme au trésor caché qu’ةsope nous propose,

 

bouquet une lettre, où, en une écriture et

 

Servira d’exemple à la chose.

 

un langage malhabiles, leur hôte d’un soir

 

Ce malheureux attendait

 

exprimait ses plus vifs remerciements pour

 

Pour jouir de son bien une seconde vie;

 

leur hospitalité.

 

Madame restait interdite devant ce bou-

Ne possédait pas l’or, mais l’or le possédait.

quet magnifique. Jamais elle n’en avait vu

Il avait dans la terre une somme enfouie,

de si gros dans sa maison, où d’ailleurs les

Son cœur avec, n’ayant autre déduit

fleurs étaient rares.

Que d’y ruminer jour et nuit,

 

 

- Maman, tu as une idée du prix de ce

 

Et rendre sa chevance à lui-même sacrée.

 

bouquet ?

 

Qu’il allât ou qu’il vînt, qu’il bût ou qu’il mangeât,

 

Bien sûr qu’elle en avait une idée! De quoi

 

On l’eût pris de bien court, à moins qu’il ne songeât

 

ne connaissait-elle pas le prix ?

 

ہ l’endroit où gisait cette somme enterrée.

 

- Tu sais ce que cela doit représenter par

 

Il y fit tant de tours qu’un Fossoyeur le vit,

 

rapport au salaire de ce malheureux ?

 

Se douta du dépôt, l’enleva sans rien dire.

 

Le ton de Louise monta soudain :

 

Notre Avare un beau jour ne trouva que le nid.

 

- Et quand je pense que vous, vous cher

 

Voilà mon homme aux pleurs; il gémit, il soupire.

 

chez à faire des économies sur tout, êtes

 

Il se tourmente, il se déchire.

 

incapables de la moindre…

 

Mais Madame n’écoutait déjà plus sa fille.

Un passant lui demande à quel sujet ses cris.

Elle pensait qu’elle allait diviser le bouquet

C’est mon trésor que l’on m’a pris.

en trois, au moins, et en apporter une partie

-Votre trésor? où pris?-Tout joignant cette pierre.

sur son bureau. Ses collègues en seraient

-Eh! sommes-nous en temps de guerre,

 

 

vertes de jalousie.

 

Pour l’apporter si loin? N’eussiez-vous pas mieux fait

 

« On me l’a livré hier, en remerciements.

 

De le laisser chez vous en votre cabinet,

 

Il y a des gens qui savent vivre, n’est-ce

 

Que de le changer de demeure?

 

pas ? »

 

Vous auriez pu sans peine y puiser à toute heure.

 

Son mari arriva à ce moment-là.

 

          - ہ toute heure? bons Dieux! ne tient-il qu’à cela? - Tu as vu? Il y a quelques fleurs séchées.

 

L’argent vient-il comme il s’en va?

 

Il n’y a qu’à les retirer et les placer dans

          Je n’y touchais jamais.-Dites-moi donc, de grâce, un vase dans le vestibule. Elles tiendront

 

Reprit l’autre, pourquoi vous vous affligez tant,

 

longtemps.

 

Puisque vous ne touchiez jamais à cet argent:

 

Décidément, c’était une cause perdue.

 

On ne referait pas monsieur et madame

Mettez une pierre à la place,

Lepingre.

Elle vous vaudra tout autant.

FIN

Jean de LA FONTAINE, extrait desFables

 

 

 

 

 

Le monde religieux

 

Anne de Guigné

 

L’enfant qu’on appelait «la petite sainte»

 

La trajectoire hors normes de cette enfant rebelle, disparue

 

voici tout juste un siècle, alors qu’elle avait à peine 11 ans, a conduit le pape

        Jean-Paul II à la déclarer vénérable, en 1990.

 

 

’est l’histoire d’une petite

pratiquante. ةveillée et très vive, la

dans la plaine d’Alsace. Anne,

 

fille comme les autres, mais

petite fille possède également un

âgée d’à peine 4 ans, est désem-

C

dotée d’une exception-

sacré caractère. Arrogante, colé-

parée face au chagrin de sa mère.

 

nelle grandeur d’âme. Si, durant

rique, jalouse, elle mène son petit

«Si tu veux me consoler, il faut être

 

sa courte vie, Anne n’a accom-

monde à la baguette et n’en fait

bonne», dit à son aînée madame

 

pli aucun prodige, elle a su don-

toujours qu’à sa tête. Quand ses

de Guigné. Elle n’imagine pas l’im-

 

ner une dimension extraordinaire

nombreux cousins et cousines

pact que ces simples mots vont

 

à une existence ordinaire. Grâce

viennent jouer avec elle au château

avoir sur la fillette. Dès lors, l’en-

 

à son amour pour Jésus, cette

de la Cour, où elle vit, elle en profite

fant rebelle va peu à peu laisser

 

enfant capricieuse, autoritaire

pour les malmener et leur impo-

place à une véritable sainte.

 

et égocentrique, s’est peu à peu

ser ses quatre volontés. ہ l’occa-

 

 

 

 

Une petite fille modèle

 

muée en une vraie petite sainte, à

sion d’un Noël en famille, alors que

 

 

la fois douce, humble et entière-

son grand-père offre une chaise de

Son amour pour cette mère,

 

ment dévouée aux autres.

poupée à Anne et une petite table

qu’elle entend réconforter par tous

 

Peu après sa mort, en 1922,

à sa cousine, folle de jalousie, Anne

les moyens, va devenir son che-

 

Anne acquiert une réputation de

pique une grosse colère et arrache

min vers Dieu. Mais cette trans-

 

sainteté. Deux ans plus tard, sa

le meuble des mains de la pauvre

formation ne relève en rien du

 

biographie est publiée. Vendue à

enfant. Elle vit très mal la venue

miracle. Pour lutter contre son

 

plus de 100 000 exemplaires, elle

au monde de son frère, Jacques,

tempérament difficile et deve-

 

sera traduite en une vingtaine de

d’un an son cadet ; ses sœurs,

nir une bonne personne, Anne

 

langues. La sainte chérie devient

Magdeleine et Marie-Antoinette,

va faire des efforts quotidiens et

 

alors célèbre dans toute la France,

nées deux et quatre ans après elle,

s’imposer des «petits sacrifices».

 

puis dans le monde entier. Le

seront, en revanche, bien accep-

ةlevée dans une famille très

 

mars 1990, Jean-Paul II recon-

tées. Pourtant, un jour, elle assène

pieuse et intéressée par les choses

 

naît ses vertus héroïques. Ouvert

à l’une un violent coup de pied à la

de Dieu, elle va puiser cette force,

 

en 1932, son procès en béatifica-

tête et, une autre fois, lui jette de la

exceptionnelle pour son très jeune

 

tion est toujours en cours.

poussière dans les yeux.

âge, dans l’amour de Jésus. «Je

 

 

Mais un événement tragique

veux donner tous mes sacrifices

 

Transfigurée

 

 

 

 

va radicalement métamorpho-

à Marie, pour qu’au ciel, elle les

 

par la mort de son père

 

 

 

 

ser cette enfant difficile en petite

donne à Jésus», écrit-elle. Sa

 

Anne voit le jour le 25 avril 1911,

fille modèle, puis en sainte. Le

mère raconte: «Au moindre écart,

 

dans l’ancienne commune d’An-

juillet 1915, alors que la Grande

Anne était tentée de faire son petit

 

necy-le-Vieux, au nord-est de la

Guerre fait rage, son père, lieute-

sermon. Jacques marchait-il trop

 

ville d’Annecy, dans le départe-

nant des chasseurs alpins, meurt

vite pour les jambes de ses petites

 

ment de la Haute-Savoie, au sein

au champ d’honneur, lors du ter-

sœurs, Magdeleine entrait-elle

 

d’une famille aisée et catholique

rible assaut de la crête du Linge,

dans un pré pour y cueillir des

 

 

 

 

 

par Karine Touboul

 

sœurs. Alors que, pour Noël, elle reçoit en cadeau des petits sol

 

dats de plomb - auxquels elle tient

 

car ils lui rappellent son père -, elle fait l’énorme sacrifice de les

 

donner aux enfants pauvres. Pour

 

faire comme elle, Magdeleine et

 

Marie-Antoinette décident de faire

 

don, à leur tour, de leur ours et de

 

leur chien en peluche. Plus l’amour

 

d’Anne pour Jésus grandit, plus

 

elle se détache d’elle-même et se

 

montre attentive et dévouée aux autres, que ce soit sa famille, les pauvres ou même les pécheurs. Apprenant qu’un de ses voisins,

 

surnommé «le vieux Louis», qui ne

 

croit pas en Dieu et ne va jamais à

 

la messe, est sur le point de mou

 

rir, Anne se met à prier pour lui et

 

multiplie les petits sacrifices pour

 

le salut de son âme. Peu avant sa

 

mort, le vieillard demandera à voir

 

un prêtre pour se confesser.

        Mais, en décembre 1921, alors âgée de 11 ans et demi, Anne est

 

Anne (1911-1922), une enfant terrible métamorphosée en sainte.

 

prise de violents maux de tête et de

 

fortes fièvres. Elle est atteinte d’une

 

fleurs, Anne intervenait et mul-

radical,  sa  mère  demande  à

méningite. «Mon Dieu, je veux tout

 

tipliait les recommandations. La

l’évêque la permission pour Anne,

ce que vous voulez», dit-elle dans

 

gouvernante lui rétorque un jour:

qui n’a pas encore 6 ans, de faire

ses prières. Et d’ajouter: «Et gué-

 

«Laissez vos sœurs tranquilles et

sa première communion. Comme

rissez aussi les autres malades.»

 

Jacques aussi. Vous les fatiguez!»

la fillette n’a pas l’âge requis, le

Alors qu’elle souffre le martyre, elle

 

Le reproche fait pleurer Anne

prélat lui fait passer un petit exa-

demande chaque jour au médecin

 

mais, très vite, elle essuie ses

men, qu’elle réussit haut la main.

des nouvelles de ses patients et se

 

larmes et dit, d’un ton serein: «Je

« Madame, je souhaite que nous

réjouit pour ceux qui guérissent.

 

vous remercie. C’est pour que je

soyons tous au niveau d’instruc-

Malgré la maladie, elle conti-

 

devienne meilleure.» Désormais, à

tion religieuse de cette enfant-

nue à rendre la vie facile et

 

chaque fois qu’on lui adresse une

là », déclare-t-il, émerveillé, à

agréable à ses proches, se sou-

 

remarque, elle répond «merci». Et

madame de Guigné. Sur le billet

ciant de tous, s’intéressant à cha-

 

tout le monde admire son humi-

qu’elle dépose sur l’autel, lors de

cun. Courageuse, mais à bout de

 

lité, sa patience, sa bonne humeur

la cérémonie, Anne écrit: «Mon

forces, elle demande à la religieuse

 

et son acceptation des «observa-

petit Jésus, je vous aime et, pour

qui la veille: «Ma sœur, puis-je aller

 

tions» qu’on lui fait.

vous plaire, je prends la résolution

avec les anges?» «Oui, ma belle

 

 

de vous obéir, toujours.»

petite fille», lui répond la religieuse.

 

Instruction religieuse

 

 

 

 

Anne souhaite transmettre aux

« Merci, ma sœur, ô, merci…» Ce

 

Petit à petit, ses crises s’es-

autres son amour pour Jésus.

seront ses dernières paroles.

 

pacent, jusqu’à totalement dis-

Pour cela, elle commence par

Le 14 janvier 1922, à l’aube,

 

paraître. Face à ce changement

montrer l’exemple à ses jeunes

Anne part rejoindre les anges.

 

 

 

 

 

Agenda médical

 

Méfiez-vous du

 

syndrome de la cabane !

 

Depuis l’épidémie de Covid, il vous arrive de vous demander à quoi bon mettre le nez dehors quand on est si bien chez soi ? Ce serait une bien mauvaise habitude à prendre. On vous explique pourquoi.

 

Ils sortent juste lors de contraintes

 

extrêmes comme un examen médi

 

cal, un scanner à passer, les achats

 

Se sentir bien

 

à la maison ne doit

qui ne peuvent pas se faire sur

 

 

pas être confondu

 

Internet. Il y a eu une sorte de ratio

 

avec la peur de sortir

 

nalisation. Dans leur esprit, malgré

 

de chez soi.

 

le vaccin, il y a encore un danger. » Pourtant, continuer à s’isoler alors que la menace est passée, c’est rompre le lien social, ce qui

 

peut entraîner des dépressions ou

 

un syndrome de glissement chez

 

les plus âgés qui ne se raccrochent

 

plus à rien. S’il a été facile de se barricader à double tour, le retour à la vie sociale se fera progressivement. Sylvie Angel nous donne quelques conseils pour y arriver.

 

Lâchez les infos

 

Télé, Internet ou réseaux sociaux

 

ont tendance à nous surinformer.

        Cette dose d’angoisse distillée

 

 

ous y avons tout le confort, il

amplifié les peurs internes. Tous

au quotidien par nos écrans nous

 

y fait bon… Tout, dans notre

ceux qui avaient un terrain anxieux

fige et nous empêche d’aller vers

N

maison, est fait pour nous

ont vu leurs phobies s’accentuer

l’extérieur. « Ne laissez pas la chaîne

 

rassurer, d’autant plus en cette

et, par réflexe, se sont mis dou-

d’info branchée en permanence et

 

période morose. « تtre bien chez

blement au vert.

informez-vous de ce qui se passe

 

soi n’a rien d’inquiétant, rassure

« Le syndrome de la cabane, c’est

dans le monde une fois par jour

 

la psychiatre Sylvie Angel. Ce qui

l’aggravation d’une difficulté que les

seulement », conseille Sylvie Angel.

 

peut poser problème, c’est d’y res-

gens avaient avant la pandémie. ہ

 

 

 

 

Soignez votre apparence

 

ter constamment et de se couper

ce jour, j’ai toujours des patients

 

 

du monde extérieur. » La crise du

qui ne sont pas encore sortis de

Ce n’est pas parce que vous ne

 

Covid a eu bon dos. Le repli forcé

chez eux, raconte la psychiatre.

mettez pas le nez dehors que vous

 

pour se protéger de la menace invi-

Ils refusent tout rendez-vous fami-

devez rester en pantoufles et jog-

 

sible durant la pandémie a surtout

lial sous prétexte qu’il est trop tôt.

ging. « Les gens qui n’arrivent pas

 

 

 

 

 

par Sandrine Catalan-Massé

 

à se laver tous les jours sont des

calmer le rythme de sa respiration,

phrases bienveillantes et emplies

gens déprimés, a pu constater la

abaisser sa fréquence cardiaque

de bon sens. Au lieu de dire «De

psychiatre. Ils sont victimes d’un

et se sentir plus fort pour affronter

toute manière, on en a pour des

ralentissement moteur. Tout leur

de grosses émotions lorsque vous

mois», on se répète «Aujourd’hui,

coûte: se lever, se laver, se coif-

aurez mis un pied dehors. Inspirez

il y a des difficultés, mais demain

fer devient compliqué.» Faites l’ef-

lentement cinq secondes et expi-

il y en aura moins.» On peut veil-

fort chaque jour de vous préparer

rez cinq secondes. Ce qui corres-

ler à ne pas commencer une dis-

comme pour une sortie agréable.

pond à six respirations par minute.

cussion par des phrases négatives

Inconsciemment, en prenant soin

Faites cet exercice cinq minutes,

اa ne sert à rien de…»), et les

de vous, vous revalorisez votre

pourquoi pas en marchant dans la

remplacer par des plus optimistes

image et renforcez votre confiance

rue, dans les transports en com-

(«On va essayer de…»). Au bout de

en vous, celle qui vous soutiendra

muns ou dans la file d’attente à la

trois semaines de pensées posi-

dans vos tentatives de sortie.

caisse du supermarché.

tives (comptez un peu plus, car il

 

 

y a des périodes de rechute) votre

 

Reconnectez-vous aux autres

Reprenez les activités

 

 

cerveau aura changé d’optique.

 

qui vous ont fait du bien

 

C’est par l’interaction sociale

 

Osez consulter

 

que l’humain se renforce, échange,

Garder des repères quotidiens

 

 

exprime et partage. «L’absence de

dans le cadre de sa vie sociale et

Quelques séances de thé-

 

lien social limite l’élaboration men-

familiale permet de conserver un

rapie peuvent vous être d’un

 

tale, affirme la spécialiste. Il n’y a

sentiment de contrôle. Les activi-

grand secours. Un psychologue

 

plus d’échanges pour dynamiser

tés favorisent le lien social, nous

saura vous rassurer sur le fait

 

la réflexion. On finit par tourner en

donnent un objectif et rythment

que vous n’êtes pas le seul à

 

rond, tout seul avec ses idées.»

notre journée. Si vous aviez l’ha-

vivre ce syndrome de la cabane.

 

Si vous n’avez pas encore le cou-

bitude de vous rendre à la gym ou

Inconsciemment, les rendez-vous

 

rage de rendre visite à vos amis ou

au cinéma tous les mardis, pour-

avec votre thérapeute seront une

 

à votre famille, vous pouvez leur

quoi ne pas prendre un abonne-

occasion de mettre un pied dehors

 

demander de passer vous voir.

ment sans plus attendre? S’il s’agit

et de vous reconnecter peu à peu

 

 

d’activité physique, elle boostera

au monde et aux autres.

Fixez-vous des petits objectifs

 

 

 

 

en plus votre organisme en favo-

 

 

Inutile de brûler les étapes en

risant la production des hormones

 

 

voulant trop en faire (à l’extérieur)

du bien-être (endorphine, dopa-

Reconnaître les signes

 

le premier jour. Allez-y par petites

mine). Plus serein dans votre tête,

 

 

 

 

de ce syndrome

 

touches en tentant de brèves sor-

vous reprendrez confiance en vous

 

 

ties, mais tous les jours. Pourquoi

et en vos capacités (dont celle d’af-

 

 

 

 

ous ressentez une fatigue

 

ne pas aller prendre son café à la fronter le monde).

        V chronique avec un besoin

 

terrasse d’un bistrot ou encore

 

Pensez positif

de dormir dans la journée,

 

 

pousser sa balade jusqu’à la

 

tout en vous réveillant le matin

 

pâtisserie du quartier pour acheSaviez-vous que nous sommes

 

fatigué. Vous avez perdu votre

 

ter ce gâteau dont vous raffolez? tous capables d’échanger nos

 

motivation, annulez des rendez

 

En bonus, chacune de vos sorties pensées négatives (celles qui nous

          vous ou refusez des invitations

 

vous permettra de faire le plein paralysent et nous clouent à la mai

          en inventant un prétexte. Tout

 

de lumière (pensez à relever vos son) contre des pensées positives,

          ce qui vient de l’extérieur vous

 

manches quand vous êtes au soleil) qui nous donnent le courage d’af

        rend anxieux, vous commencez

 

indispensable pour synthétiser la fronter l’extérieur? «C’est ce que

 

à ressentir de l’agoraphobie

 

vitamine D nécessaire aux os.

l’on appelle la plasticité du cerveau,

 

 

à chacune de vos brèves sorties.

 

explique Sylvie Angel. Le cerveau

 

Respirez!

 

Il est alors temps de vous

 

est capable d’inverser la tendance

 

poser les bonnes questions.

 

Vous pouvez pratiquer un peu de

et de nous faire voir la vie sous son

cohérence cardiaque. Idéal pour

meilleur aspect si on lui insuffle des

 

 

 

 

 

Feuilleton

 

CC - HAVANG - WIKIMEDIA COMMONS

 

En justes noces

 

- RةSUMة : En l’an 1913, au château de Mareil-

nfin ! il y a un peu d’ambiance là-

en-Vexin, la visite du duc Théodore de Gorcy,

haut, plaisanta Maurice. La vieille

fiancé de mademoiselle Edmée, accompagné de

fait son numéro. ہ la duchesse

ses parents, se prépare activement. Rodolphe,

qui se plaignait d’avoir parfois

le frère d’Edmée, est rentré la veille dans un

peur dans son château isolé, elle

état d’ébriété avancé. La comtesse douairière,

a répondu que, pour sa part, elle avait tenu

Euphrasie de Boulaincourt, fait une entrée remar-

tête à vingt Prussiens avinés qui voulaient

quée. En bas, les commentaires des gens de

occuper le château pendant la dernière

maison vont bon train, entre madame Vilniou la

guerre, une nuit que feu monsieur le comte

cuisinière, madame Serisy qui régente une partie

était absent. Les domestiques eux-mêmes

de l’équipe, Berthe, la nouvelle petite bonne, et

étaient terrorisés, mais Euphrasie, des-

Adeline, la femme de chambre de mademoiselle

cendue en chemise de nuit, les a mis en joue

Edmée, tout le monde a son avis sur la situation.

avec un fusil et ils ont fini par déguerpir. Et

Si monsieur Morel reste sur la réserve, Maurice,

elle raconte ça en imitant l’accent prussien !

le valet de chambre, ne mâche pas ses mots.

Tout le monde est mort de rire, sauf mon-

(Voir Veillées no 3531.)

sieur le comte, qui est un peu gêné mais

 

 

 

 

 

par Gabrielle Adam

 

qui n’arrive pas à calmer sa mère ! Même

puis, c’est madame Edmée qui est venue

 

Morel, debout devant son buffet, a du mal

me la commander elle-même.

 

à se retenir ! Bon, ils n’ont pas roulé sous la

- Eh bien, ça lui fera au moins un petit

 

table, ils savent se tenir. Ils rigolent derrière

plaisir dans la soirée, la pauvre, dit Maurice

 

leurs serviettes.

en s’éloignant.

 

- Et  monsieur  Rodolphe ?  demanda

Avant de passer la porte à battants par

 

Adeline.

laquelle il entrait dans le saint des saints,

 

- Oh ! lui… comme d’habitude, il nous fait

il planta un petit doigt discret dans la gar-

 

signe à tout bout de champ pour qu’on rem-

niture de crème Chantilly. C’était pourtant

 

plisse son verre. Sa mère lui fait les gros

vrai que c’était toujours une réussite.

 

yeux, mais il s’en fiche. Monsieur le comte

Enfin, ils entendirent crisser sur le gravier

 

lui a proposé de l’accompagner demain pour

les roues de la voiture du duc qui s’éloignait.

 

une visite des fermes, que le duc veut voir,

Il était temps, la cuisinière, qui aidait

 

et il a demandé à quelle heure il devrait être

Berthe à finir la vaisselle, « sinon, on y

 

prêt. Quand le comte lui a répondu « neuf

serait encore à Noël », se plaignait de ses

 

heures », il est parti d’un grand éclat de rire

jambes qui lui rentraient dans le corps. Puis

 

et a dit que c’était dans ce cas hors de ques-

elle défit son tablier et éteignit les lumières,

 

tion. Je vous dis pas le froid que ça a jeté !

tandis que résonnait l’appel de mademoi-

 

Madame la comtesse ne savait plus où se

selle Edmée pour Adeline et que monsieur

 

mettre et si les yeux de la vieille Euphrasie

Morel, retiré dans sa chambre, sirotait en

 

avaient été des pistolets… Bon sang, pour-

claquant la langue, un fond de carafe de

 

suivit-il en avisant la masse de vaisselle et

vieux Bordeaux.

 

de verres qui s’entassaient à côté de l’évier,

 

 

comment peut-on bouffer et picoler autant ?

 

 

Je n’ai pas compté le nombre de services

 

deline trouva la jeune fille assise

mais…

 

dans son fauteuil tendu de reps bleu,

- Huit plats en tout, deux desserts, et cinq

A

assorti aux rideaux de sa chambre.

vins différents ! le coupa madame Vilniou.

D’ordinaire, elle accueillait sa femme de

 

Mais en fait, ils mangent et boivent peu.

chambre avec un grand sourire. Ce soir-

 

- Y’aura des restes pour nous, alors ?

là, elle paraissait morose et pressée de se

 

- Jamais de restes ici, tu devrais le savoir !

mettre au lit.

 

Madame Vilniou gérait en effet de main

- Oh ! Adeline, débarrassez-moi au plus

 

de maître la somme que lui allouait la com-

vite de ce corset qui m’étouffe. J’ai l’impres-

 

tesse chaque mois. Il n’y avait pas le moindre

sion qu’il me serre chaque jour un peu plus.

 

gâchis. Au mieux, elle récupérait les restes

Quand donc nous débarrassera-t-on de ces

 

éventuels de viande de la table des maîtres

engins de torture ? Je n’ai pourtant pas pris

 

(si des invités s’étaient décommandés à la

de poids, qu’en pensez-vous ?

 

dernière minute, par exemple) en les accom-

- Certainement pas, mademoiselle. Et il

 

modant en hachis pour le personnel. Mais

paraît que ce soir, vous vous êtes contentée

 

c’était rare. De toute façon, peu appréciaient,

de grignoter.

 

à part peut-être monsieur Morel et Maurice

La femme de chambre défit la ceinture

 

qui avaient le bec fin, ces mets trop délicats

de la magnifique robe moirée d’Edmée et

 

à leur goût.

entreprit de délacer sa maîtresse. La jeune

 

- Bon alors, tu le montes, ce dessert ? Tu

fille poussa un grand soupir de satisfaction

 

crois sans doute qu’ils vont venir le chercher

à la fin de l’opération. Elle demanda ensuite

 

eux-mêmes ? tonna soudain madame Vilniou.

qu’on défasse ce chignon « qui pesait une

 

- Encore votre charlotte aux pommes ? Ils

tonne ». Une fois toutes les épingles enle-

 

ne s’en lassent pas, à force ?

vées, une cascade de lourdes boucles brunes,

 

- Apparemment non, petit insolent ! Et

héritées de sa mère, tout comme l’étaient ses

 

 

 

 

 

 

En justes noces

 

 

grands yeux bleus, coula jusqu’à ses reins.

Edmée baissa les yeux et Adeline devina

 

Adeline alla chercher la chemise de nuit

qu’elle avait vu juste.

 

qu’elle avait mise, en entrant, à réchauffer

- Oui. Oh! je sais que c’est le lot de toutes

 

sur un dossier de chaise devant la cheminée

les filles de ma condition. Mais j’aimerais

 

et aida Edmée à l’enfiler. Puis elle entreprit

qu’on mette dans la chose un peu plus de

 

de brosser sa chevelure.

romantisme, de sentiments.

 

 

Elle ajouta qu’elle était pourtant de bonne

 

 

volonté. ہ chaque fois qu’elle avait vu

 

a jeune fille restait silencieuse et jetait

Théodore de Gorcy, elle avait essayé de lui

 

à Adeline dans le miroir de doulou-

trouver des qualités, mais non, décidément,

L

reux regards. Celle-ci crut com-

elle n’y parvenait pas. Elle le trouvait gentil,

 

prendre que sa maîtresse avait envie de

certes, et très bien élevé, soucieux de lui

 

parler, comme elle le faisait souvent. Mais

faire plaisir, mais cela n’allait pas plus loin.

 

d’habitude, c’était plutôt ses joies qu’elle

- Et cette figure, Adeline, mon Dieu, cette

voulait partager.

 

figure ! Et cet air souffreteux ! Vous n’êtes

 

- Quelque chose ne va pas, mademoi-

pas d’accord avec moi ?

 

selle Edmée ? Où est passé votre beau sou-

La femme de chambre, la brosse à che-

 

rire? D’ordinaire, vous rayonnez encore

veux en l’air, préféra éluder.

 

d’énergie, même après une longue soirée.

- Vous serez duchesse, mademoiselle, et

 

Edmée ouvrit la bouche puis la referma.

riche. Vous faites franchir à votre famille un

Elle finit par dire:

 

grand pas en avant. Votre père, qui est la

 

- Il y a que… je m’ennuie. Papa m’interdit

crème des hommes, ne veut sûrement que

 

de faire du cheval en cette saison et, vous

votre bonheur.

 

le savez, rester enfermée ou faire des tours

- Je sais. Et je me dis que je dois bien ça

 

à pied dans le parc ne me convient guère.

à mes parents. Quand je croise parfois au

 

Accompagner maman dans ses visites non

village des filles de mon âge, je me dis que

plus.

 

beaucoup voudraient sûrement avoir eu mon

 

- Le printemps sera bientôt là. Vous

existence. Mais en ce qui me concerne, le

 

pourrez bientôt aider le vieux Marcel au

prix à payer est plutôt lourd. Et mon père

 

jardin, reprendre vos courses dans la cam-

pense sûrement qu’il ne peut guère compter

 

pagne et me désespérer en salissant vos

sur Rodolphe pour prendre dignement sa

 

robes à un point inimaginable !

suite…

 

Cette remarque amena un vague sourire

Des larmes perlaient à ses cils. Elle se

 

sur le visage fermé de la jeune fille.

reprit et, avisant la pendulette sur la che-

 

- Pourquoi n’allez-vous pas à Paris? Tiens,

minée, elle s’écria:

 

vous acheter de nouvelles tenues ?

- Mon Dieu ! je vous fais veiller bien tard,

 

- J’en ai déjà tant, Adeline, que je les use

Adeline ! Pour me faire pardonner et vous

 

à peine ! Je ne sais plus quoi en faire.

remercier de m’avoir écoutée, je vais vous

 

Un bruyant soupir souleva sa poitrine.

donner une robe. Il y a longtemps que j’y

 

- تtes-vous sûre qu’il n’y a que cela qui

pense et, je vous l’ai dit, je n’arrive pas à

 

vous tourmente? Après tout, vous n’avez

les user.

 

pas changé de vie depuis l’hiver dernier et

Elle se dirigea vers sa grande armoire et

 

vous vous en accommodiez. Souvenez-vous,

fourragea dans la masse de vêtements.

 

vous vous amusiez à aller vérifier chaque

- Tenez, celle-là. Elle est magnifique. Je ne

 

jour l’état des chemins et vous alliez rendre

l’ai portée qu’une fois, au dernier bal chez

 

visite à votre cheval en revenant.

les Gorcy justement.

 

- C’est vrai… Mais il s’est passé quelque

Elle tendait à Adeline une magnifique

 

chose depuis l’hiver dernier.

robe crème, brodée de minuscules perles.

 

- Vous voulez parler de vos fiançailles ?

- C’est très gentil à vous, mademoiselle,

 

 

 

 

 

mais… je n’aurai jamais l’occasion de porter

dans cette affaire, poursuivit-il, en ce qui

une telle splendeur.

concerne l’agrandissement de nos terres

- Oh ! mais bien sûr. Pardonnez-moi si je

par les siennes, qui sont mieux situées et

vous ai froissée. Celle-là alors ?

donnent davantage. Alors, il essaie de faire

Elle sortit cette fois une robe en lainage

monter les enchères.

gris, moins ajustée, qu’elle mettait parfois

La comtesse le regardait d’un air amusé.

 

 

pour ses promenades.

 

- Je pourrai porter celle-là, en effet. Merci

 

beaucoup, je ne sais comment…

 

          Mon Dieu, Henri, ne sommesJe suis plus grande que vous, mais avec

 

vos talents de couturière, vous saurez sûre

 

nous pas en train de sacrifier notre

 

ment l’ajuster à votre taille.

 

Adeline, rose de plaisir, sortit de la

 

fille ? Elle si gaie, si vivante !

 

chambre en souhaitant une bonne nuit à sa jeune maîtresse.

 

- Eh bien! n’est-ce pas ce que votre propre

 

’’

 

père a fait avec le mien ? Avouez que la for

 

 

e l’autre côté de la cloison (les che-

tune des Epstein a bien servi les intérêts de

 

minées des deux chambres parta-

votre domaine, qui périclitait quelque peu

D

geaient le même conduit), la soirée

si je me souviens bien ?

 

était commentée par les maîtres de maison

Le comte rougit légèrement.

 

et rendait un autre son de cloche. Eugénie

- Je ne nie pas que notre mariage ait été,

 

Epstein reposait déjà sur les oreillers de

entre autres, un mariage d’intérêt. Mais je

 

son immense lit. Vingt-cinq ans plus tôt,

suis très vite tombé follement amoureux de

 

Henri de Boulaincourt l’avait enlevée à sa

vous, et je le suis encore, je vous l’assure.

 

riche famille de banquiers parisiens pour

Il prit tendrement la main de sa femme

 

en faire une comtesse. Il ne pouvait que

dans les siennes, puis, pris d’un doute, il

 

s’en féliciter car, à presque cinquante ans,

demanda, inquiet :

 

elle était encore considérée comme une des

- Et vous, vous ai-je rendu heureuse ?

 

plus belles femmes de la région. On admirait

- Oui, je peux vous l’assurer.

 

aussi la tenue parfaite de sa maison. Lorsque

Elle marqua un temps d’arrêt, puis se

 

le comte fit son entrée dans la chambre,

rembrunit.

 

il s’assit sur le lit et commença d’ailleurs

- Mais vous étiez plus séduisant que le fils

 

par se féliciter de la réussite de la soirée.

Gorcy. Mon Dieu, Henri, ne sommes-nous

 

Rompus tous deux à ce genre d’exercice par

pas en train de sacrifier notre fille ? Elle si

 

leur éducation et la longue pratique qu’ils

gaie, si vivante! Il semble ne vouloir que son

 

en avaient, leurs réceptions étaient rare-

bien, mais il y a certains aspects du mariage,

 

ment ratées. Décidément, Morel, le maître

tout de même importants, qui risquent de…

 

de cérémonie, était une perle rare, que beau-

Le comte semblait ne pas vouloir prendre

 

coup de nobles des environs leur enviaient

en compte lesdits aspects, mais avoua du

 

d’ailleurs. Toutefois, les deux époux sem-

bout des lèvres qu’il en était conscient. Il

 

blaient moins enthousiastes que d’habitude.

revint bien vite aux aspects économiques

 

Le comte évoqua ce qui s’était dit entre le

de ce mariage.

 

vieux duc et lui quand les dames s’étaient

- Le vieux duc partage le même point de

 

retirées au salon. Gorcy avait, dit le comte,

vue que moi sur la gestion d’un domaine et

 

contrarié, ramené sur le tapis la question de

le transmettra sûrement à son fils.

 

la dot d’Edmée, qu’il le poussait depuis des

- Eh bien, justement, est-ce une bonne

mois à augmenter.

 

chose ?

 

- Il sait que j’ai plus à gagner que lui

Henri  de  Boulaincourt  soupira :  on

 

 

 

 

 

En justes noces

 

touchait là la seule pomme de discorde entre

catarrheux de fiancé. Avant de s’endormir

les deux époux. Eugénie reprochait souvent

tout à fait, elle se retourna vers son mari :

à son mari d’avoir une vision trop conser-

- Et Rodolphe ? son mode de vie ne t’in-

vatrice des choses, de mener ses affaires

quiète pas ?

trop prudemment, en ne se risquant pas,

- Un problème à la fois, ma chère.

par exemple, dans des placements plus aléa-

- Hum, Hum…

toires, certes, mais infiniment plus juteux en

Le raclement de gorge caractéristique s’en-

cas de réussite. Il était encouragé en cela par

tendit depuis le fond du couloir. Monsieur

la comtesse douairière, qui ne semblait pas

Morel faisait son entrée dans la cuisine.

voir le temps passer autour d’elle et en était

Même quand il s’agissait d’une journée ordi-

restée aux valeurs, dans bien des domaines,

naire, il ne pouvait s’empêcher d’amplifier le

de l’Ancien Régime. Ne se vantait-elle pas

moindre événement qui aurait pu contrarier

souvent d’avoir fréquenté le dernier roi de

l’apparence de mécanique bien huilée qu’il

France et d’avoir été reçue dans nombre de

s’attachait à donner à la maison. Sa vie était

cours d’Europe? Tandis qu’Eugénie, élevée

un véritable drame et il était, malgré son

dans le monde risqué de la finance, avait

calme apparent, perpétuellement sous ten-

davantage le goût de l’aventure.

sion. Une des cinquante horloges qu’on avait

- Laissez-moi faire comme je l’entends.

oublié de remonter, un tapis qui se déclouait

L’essentiel est, qu’à ma mort, le domaine

dans un escalier, une pièce d’argenterie mal

n’ait rien perdu de sa valeur. Occupez-vous

astiquée, le mettaient dans tous ses états.

de vos bonnes œuvres.

Ce qui donnait lieu à des échanges, cour-

 

tois, mais vifs, avec son double féminin, qui

 

elle, faisait preuve d’autant d’efficacité tout

uand il fronçait ainsi les sourcils et

en gardant un calme olympien que mon-

que son menton se mettait à trembler,

sieur Morel prenait pour de l’indifférence.

Q

 

mieux valait opérer un recul straté-

Il l’invita ce jour-là, une semaine après le

gique. Il se calma et prit un ton plus dégagé.

fameux dîner, à le suivre dans son bureau,

- Et puis, Théodore ne m’a pas l’air d’une

avec un air de grand mystère.

santé très florissante…

- Madame Serisy, commença-t-il en l’in-

Eugénie s’indigna :

vitant à s’asseoir dans le fauteuil de l’autre

- Oh ! à quoi pensez-vous donc, Henri ?

côté de sa table. Vous me voyez très ennuyé.

- ہ la même chose que vous, ma chère.

Il croisa ses mains sur son ventre.

Des bruits courent selon lesquels il aurait

- Voilà l’objet de l’entretien auquel je

de sérieux problèmes cardiaques et respi-

vous ai convié. Oh! rien de grave en soi,

ratoires, il a eu le croup, enfant, ce que ses

j’en conviens, mais voyez-vous, c’est le genre

parents minimisent bien sûr. Croyez-moi, il

de détail qui peut nuire à notre famille.

vaut mieux hâter le mariage. La duchesse

- تtes-vous donc parent avec monsieur le

semblait d’accord pour cet été, non? D’autant

comte pour toujours vous associer ainsi aux

plus qu’avec ces rumeurs de guerre…

Boulaincourt ?

La comtesse ne semblait pas au courant. Elle

- Non, bien sûr que non. Mais, voyez-vous,

ne parcourait que des catalogues de mode.

c’est la seule famille que j’aie jamais eue et

- Les guerres dans les Balkans inquiètent

je m’y dévoue corps et âme, en y mettant

beaucoup et l’Europe semble sur une pou-

toute mon énergie, toute ma bonne volonté

drière.

et, oserais-je le dire, toute mon intelligence.

Quittant sa robe de chambre, il rejoignit

Le moindre grain de sable dans la machine

sa femme dans le lit, tandis qu’Eugénie, le

peut enrayer tout le système, et nous risque-

cœur serré, revoyait en pensée les tristes

rions de courir à la catastrophe. Madame

regards de sa fille au dîner et les sourires

la comtesse douairière me disait encore

contraints qu’elle se forçait à adresser à son

l’autre jour: « Morel, vous êtes l’âme de cette

 

 

 

 

 

maison et je suis sûre que vous hanterez le

n’empêche. Vous devriez mieux tenir vos

 

château quand vous serez… »

filles.

 

- Ah! vous l’aimez bien aussi, la vieille

L’intendante assura qu’elle réglerait ce

 

comtesse ! dit en riant l’intendante.

problème capital de quelques millimètres

 

Le majordome lissa son bedon d’une main

de poussière au plus vite, tandis que Morel

 

satisfaite.

contournait précipitamment son bureau

 

- J’avoue que, sans dire qu’elle m’honore

pour remettre en place son encrier, déplacé

 

de son amitié, nous partageons souvent un

lui aussi de quelques millimètres quand elle

 

même point de vue sur les choses, et qu’elle

s’était levée. Puis il quitta son bureau, se

 

me témoigne des marques non pas d’affec-

demandant où il pourrait aller fouiner pour

 

tion, non, chacun à sa place, mais, comment

trouver quelque chose à parfaire. Mais tout

 

dire, d’une certaine complicité. Je sens sou-

était en place, calme.

 

vent dans ses propos, toujours formulés par

La journée n’offrait aucun événement par-

 

ailleurs dans la langue la plus exquise…

ticulier où exercer sa méticulosité et le coup

 

- Monsieur Morel, venons-en aux faits. Je

de feu du déjeuner était encore loin. Mais il

 

devrais déjà être dans la bibliothèque où la

avait entendu ce matin le comte évoquer au

 

comtesse m’attend pour les comptes du mois.

petit-déjeuner une possible visite de l’arche-

 

- J’y viens, j’y viens. Figurez-vous qu’hier

vêque dans les semaines à venir. Il en fré-

 

soir, pendant le dîner, mes yeux sont tombés

tillait d’avance. Mais en attendant… tiens,

 

sur la petite console à gauche de la porte.

s’il allait faire le compte des bouteilles à

 

Vous savez, le cadeau de mariage du marquis

la cave? Il y avait bien une semaine qu’il

 

d’Angevillers au comte et à la comtesse. Fort

n’avait pas mis le nez dans les registres.

 

belle pièce, par ailleurs. Elle supporte un

 

 

vase de vieux Chine, d’une rare valeur, lui

 

 

aussi, provenant je crois de la dynastie Ming.

 

ais en passant devant la cuisine, où

L’intendante commençait à marquer des

 

il jeta, par acquit de conscience un

signes d’impatience évidents.

M

bref regard, son zèle trouva sou-

- Eh bien, le vase, pour quelle raison, je

dain matière à s’exprimer. ہ côté d’un tas de

 

l’ignore, a été déplacé de quelques centi-

légumes à demi épluchés, madame Vilniou

 

mètres et le rond laissé par son socle dans

et Berthe s’extasiaient devant un chaton à

 

le marbre fait apparaître, c’est une vétille, je

qui elles venaient de donner du lait dans

 

vous le concède, une fine couche de poussière.

une soucoupe.

 

- C’est tout? C’est pour me dire cela que

Tel Jupiter tonnant, il entra. Maurice,

 

vous me faites venir dans votre bureau en

qui lisait son journal dans un coin, se leva

 

pleine journée ?

paresseusement.

 

- Je proteste, madame Serisy, je proteste…

- Hum, Hum ! quelqu’un peut-il m’expli-

 

Son teint, déjà sanguin, s’animait. Imaginez

quer ce que fait cet animal dans la cuisine?

 

une seconde que les yeux de madame la

- Oh ! monsieur Morel, regardez comme

 

comtesse, qui est placée juste en face, soient

il est mignon! dit Berthe, ébahis devant les

 

tombés dessus ?

grands yeux bleus.

 

- C’est certain que vos regards insistants à

- Je n’en disconviens pas, mais une bête

 

cet endroit auraient pu attirer son attention!

à poils n’a rien à faire dans un endroit où

 

- Ou bien, pire, je n’ose l’imaginer, qu’un

la propreté la plus rigoureuse doit régner.

 

des invités de la soirée Gorcy s’en soit aperçu?

Berthe, je vous prierais de mettre votre chat

 

- Eh bien! si le mariage de mademoiselle

dehors.

 

Edmée est annulé, on saura pourquoi, mon-

- Berthe n’est pas responsable, monsieur

 

sieur Morel, répondit l’intendante sans ciller.

Morel, intervint Maurice. C’est moi qui ai

 

Le majordome sembla peu apprécier ce trait.

ramené ce chat du village où il allait être noyé…

 

- Il  n’empêche,  madame  Serisy,  il

 

(à suivre)

 

 

 

 

 

Il était une fois

 

Casablanca

 

اa, c’est Hollywood!

 

Réalisé dans la hâte, avec un scénario boiteux,

 

un metteur en scène caractériel, une star alcoolique et des décors de carton-pâte, ce classique fête ses 80 ans. Mais par quel miracle ce projet hasardeux est-il devenu un chef-d’œuvre?

 

 

’histoire de Casablancacommence loin, très

scénariste sous contrat avec

 

 

loin du Maroc.Nous sommes sur l’autre rive de

la Warner, chargé de déve-

Un duo

 

 

 

inoubliable pour

L

l’Atlantique, fin 1941. L’Amérique, ébranlée par

lopper sa dimension politique

 

 

 

 

une histoire

 

l’attaque des Japonais sur Pearl Harbor, vient d’en-

avant d’être transmis à Casey

 

 

 

 

mêlant amour

 

trer en guerre. Or, Roosevelt entend bien mettre les

Robinson, qui doit étoffer l’as-

et Résistance.

 

studios de Hollywood à contribution. ہcharge pour

pect romantique du récit.

 

 

 

eux de produire fictions et documentaires destinés

 

Un casting initial

 

à motiver les troupes et àdénoncer l’idéologienazie.

 

surprenant

 

Heureux hasard, l’une des têtes chercheuses de

 

la Warner, toujours en quête de nouvelles idées de

Au printemps 1942, après

scénarios, tombe à New York sur Everybody Comes

êtrepasséedemainenmain, la

to Ricks(«Tout le monde vient chez Rick»), une

trame du film se dessine: Rick,

pièce de théâtre inspirée par le destin d’émigrés

unAméricaincyniqueexpatrié

fuyant le régime nazi, dont on suit les pérégri-

à Casablanca, voit débarquer

nations de Marseille à Casablanca. Très vite, la

l’un de ses amours d’antan,

pièce atterrit sur le bureau du producteur Hal B.

Ilsa, qu’il n’est jamais parvenu

Wallis, qui saisit d’entrée le potentiel de l’histoire.

à oublier.Détailfâcheux,elleestaccompagnéedeson

Il en achète donc les droits, déboursant 20000 dol-

mari, Victor, résistant tchèqueactivement recherché

lars, somme record à l’époque. Reste à l’adapter

par les Nazis. Un choix s’impose à lui: céder à sa

pour le cinéma. Première retouche: le titre. Wallis

passion ou tout risquer pour aider le couple à fuir.

le trouve trop peu romanesque. Ce sera donc

Romancehaletante, suspense, combat antinazi, tout

Casablanca,qui conjugue exotisme et tension, la

y est… sauf la fin! En effet, la production n’arrive

ville étant alors contrôlée par le gouvernement de

pasàsedécidersurledénouement. Or, Hal B. Wallis

Vichy. Il confie le script aux frères Julius et Philip

le sait, le temps joue contre lui: la perspective d’une

Epstein, qui ont déjà signé une poignée de succès

invasion alliée de l’Afrique du Nord semble chaque

pour la Warner et sont réputés pour leur ironie

jour plus proche et Casablancadoit impérativement

mordante. Certes, ils sont volontiers fêtards,

sortiravant. Il faut donctourner. Et vite. Peuimporte

indisciplinés et possèdent une notion très per-

la fin du film, on l’écrira sur le plateau!

sonnelle des horaires de travail, mais c’est à eux

Dès lors, priorité est donnée au casting. Pour le

que l’on doit les meilleures répliques du film («De

rôle de Rick, la Warner songe à Ronald Reagan, qui

quelle nationalité êtes-vous?» - «Je suis alcoo-

décline, car il doit accomplir son devoir militaire.

lique.»). Aussi brillant soit-il, le script des frères

Le choix se porte sur Humphrey Bogart, arché-

Epstein n’est pourtant, aux yeux du studio, qu’un

type du dur à cuire, qui vient de triompher dans

premier jet. Il est donc confié à Howard Koch,

Le Faucon maltais.Pour Ilsa, le studio approche

 

 

 

 

 

par Paul Lapaque

 

restituée avec un soin maniaque par Michael Curtiz. Réalisateur chevronné et technicien hors pair, il maîtrise toutes les ficelles de l’illusion,

 

fussent-elles improbables. Ainsi, pour une scène

 

majeure, alors qu’il avait demandé un avion, il découvre en arrivant sur le plateau une maquette en carton, bien plus petite qu’un modèle réel! Qu’à cela ne tienne. Le cinéaste recrute des nains pour jouer les mécaniciens au sol et noie l’appareil dans un brouillard artificiel. De même, afin

 

d’éviter qu’Humphrey Bogart, qui mesure une tête

 

de moins que sa partenaire, n’ait l’air trop petit à l’écran, il improvise pour l’acteur un marchepied

 

et des coussins adaptés. Enfin, il accorde une atten

 

tion toute particulière à Ingrid Bergman, la filmant

 

sous son profil gauche qu’elle préfère, avec un filtre

 

vaporeux et un éclairage, qui magnifie ses yeux dans tous les gros plans.

 

Malgrécesprécautions, letournages’avèrepourle

 

moins chaotique. Curtiz, d’unnaturel sanguin, sup

 

porte mal les sautes d’humeur de Bogart, liées à la

 

foisàsonpenchant pourlabouteilleet àsesdémêlés

 

avec l’ombrageuse Mayo, sa femme, persuadée qu’il

 

entretient uneliaisonavecIngridBergman! Jalousie

 

d’autant plus mal placée que les deux partenaires,

 

quin’ontguèred’affinités, separlentàpeineentreles

 

prises. Pour ne rien arranger, les acteurs s’agacent chaque jour un peu plus des remaniements incessants du script et surtout d’en ignorer le dénouement. Au point qu’un soir, n’y tenant plus, Ingrid Bergman va trouver les frères Epstein, chargés de

 

Michèle Morgan. Avec sa beauté énigmatique, l’ac-

 

boucler l’histoire: «Alors les gars, avec qui je pars

trice auréolée du succès de Quai des Brumes(1938)

 

à la fin? Rick ou Victor?» Ce à quoi ils répondent,

sembleuneévidence.Maiselleexigeuncachetmiro-

avec une souveraine nonchalance:

 

bolant. Hal B. Wallis se rabat sur Ingrid Bergman,

«On vous le dira quand on le saura.»

 

qui a gagné le cœur des Américains avec une

Ils finiront évidemment par savoir.

 

romance, Intermezzo.Mais elle est sous contrat avec

Casablancasort en novembre 1942.

 

DavidO. Selznick, qui l’asignéepour sept ans! C’est

Timing parfait car, au même moment,

 

l’impasse. Par bonheur, Selznick et Wallis trouvent

les  troupes  anglo-américaines

 

un terrain d’entente. Selznick autorise Bergman à

débarquent en Afrique du Nord. Le

 

jouer dans Casablancaen échange de 125000 dol-

succès est donc au rendez-vous et le

 

lars et du «prêt» d’Olivia de Havilland, alors sous

duo Bogart-Bergman devient l’un

 

contrat avec la Warner. Les prises de vues peuvent

des couples mythiques du 7eart.

 

donc enfin commencer, en mai 1942.

Casablancarafle dans la foulée trois

 

 

Oscars: meilleur film, meilleur réali-

 

Tension à tous les étages

 

 

 

sateur et meilleur scénario. Des dis-

 

Guerre oblige, pas question de tourner en

tinctions méritées pour ce classique,

 

décors naturels: le film sera intégralement réa-

qui incarne désormais la quintes-

 

lisé en studio, où l’atmosphère de Casablancaest

sence de l’âge d’or hollywoodien.

 

 

 

 

 

Nos jeux de

 

HORIZONTALEMENT

 

MOTS CROISةS

 

- Il n’a aucune valeur. 2 - Fait tache sur une fourrure. 3 - Sortir une vacherie. Chef-lieu du Tarn. 4 - Avant-dernière grecque. Ber

 

A  B  C  D  E  F  G  H   I   J

 

ger à poils longs. 5 - Qui était donc encore trop fade avant. Indo

 

 

 

lent arboricole. 6 - L’erbium. Erreur révélatrice. 7 - Un prénom très

 

 

 

enlevé ! Dose de rayons. 8 - Prouvera qu’il a bien appris sa poésie.

 

 

- Homme de loi. Vieille gourgandine. 10 - Hellène en mer. 11 -  Fait

 

 

le tour du stade. Lieu d’unions. 12 - Réprimande. Bien calé.

 

 

 

-  Seconderai. Vis ta vie. 14 - Sur-Tille. Embarcation à fond plat.

 

 

 

6

 

VERTICALEMENT

 

 

 

A - Peut servir de pansement. Supprimai. B - Utilisera. Mettais

 

 

vachement bas. C - Demeure d’une fée. Voleur des grands chemins.

 

 

D - Sur place. Enfermé sans raison. Sarment d’ivrogne. E - Il est

 

 

 

en tôle. Un spécialiste de l’usure. F - Ouverture de conte. Remit de

 

 

 

l’ordre dans ses cheveux (se). Meurt une nuit d’hiver. G - Treillis des

 

 

 

primeurs. Raffermit les tissus. H - Passa un appel à distance. Canal

 

 

intérieur. I - Avec lui, on est sur les charbons ardents… Emportaient

 

 

nos aïeux. J - Troisième jour de la décade, dans le calendrier répu

 

 

 

blicain. Ne manque pas d’appétit quand elle est grosse.

 

 

 

          La grille se compose de 81 cases réparties en 9 carrés de 3 x 3 cases. Ces carrés sont appelés SUDOKUS « régions». La grille doit être complétée avec tous les chiffres de 1 à 9, chacun devant être utilisé

 

une fois (et une seule) dans chaque ligne, chaque colonne et chaque région.

 

FACILE

 

 

 

MOYEN

 

 

 

DIFFICILE

 

 

 

3

 

 

 

 

 

 

1

 

8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

7 6

 

 

 

 

 

 

 

 

8 2

 

 

 

 

 

 

 

5 8

 

 

7

7

4

 

 

 

 

1 7

 

4

 

 

2

 

 

 

 

 

 

 

 

6

 

 

8

 

 

1

8

 

8 5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5 7

 

 

 

 

 

 

 

 

2 5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2

1

 

 

 

 

 

8

 

 

 

 

 

 

 

 

Rayez sur la grille les mots de la liste ci-dessous, sachant qu’ils y sont inscrits

 

 

 

 

 

 

MOTS MةLANGةS

 

 

 

 

horizontalement de gauche à droite et de droite à gauche, verticalement de

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

haut en bas et de bas en haut (mais jamais en diagonale), chaque lettre ne

 

 

 

 

 

L’alphabet des insectes

 

 

 

 

 

servant qu’une fois. Le mot rayé vous indique la façon de procéder. Il restera

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

un mot sur la grille, correspondant à la définition suivante:

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Délice de coccinelle.

 

 

 

 

 

 

S  E  L  Z A B O R E R E B

 

A  L U E

 

 

 

 

 

 

 

 

 

I  G A E B R U S  I  E  L  E

 

L  E C H

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

… ABEILLE

 

… GRILLON

 

 

… SAUTERELLE

 

 

C A E R D E  S A U T  L  I

 

L O  I  C

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

… BOUSIER

 

… HANNETON

 

 

… TITAN

 

 

E  L C S  E N A H O N E  F

 

E  L O U

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

… CIGALE

 

… LUCIOLE

 

 

 

 

 

L  A  T  E  P E N E R U P R

 

L  I  M X

 

 

 

 

 

 

 

 

E  P S  I  N E N L  E C L  E

 

L  R G Y

 

… DROSOPHILE

 

… MOUCHE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

… XYLOCOPE

 

 

 

N U E R O T H  I  T N O N O C O L

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ةRISTALE

… NبPE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

… ZABRE DES

 

 

A E D E R O P N  I  O N E

 

PO

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

… FRELON

 

… PUNAISE D’EAU

 

 

CةRةALES

 

 

I  S U A D S O A  T  A  T

 

 

 

 

la semaine

 

 

MOTS FLةCHةS

 

Autour des gouttières

 

 

SERVI

BINGO POUR

DESCEND

D’UNE

 

COULE

ہ LA LOUCHE

LE CANADA!

DE L’ALTAد

PARTIE

COURT

DANS LA

 

 

 

SA TOISON

 

 

GOUTTIبRE

AGITAI

 

DES TRIPES

ESPACE

GOUTTIبRE

 

 

 

EST ةPAISSE

 

 

EN IMPRI-

LA TERRE

BERGبRE

 

DE TEMPS

 

MERIE

ENTIبRE

OU CRAPAUD

PUIS

 

TOUT NOIR

 

 

VU SUR

LA BOBINE

 

 

PASSE

RبGLE

POULET

LA MAIN

ہ SUIVRE

FAISANDة

 

CERTAINS

 

DONT ON NE

SONT

VA AVEC

PARLE PAS…

LOURDS

LE COUVERT

 

ENTRة

AUTAN

 

EN ACTION

POUR LUI

 

DIALECTE

RESTE

 

CHINOIS

COUCHة

PAROLE

SES BOULES

LARGEUR

EN L’AIR

PEUVENT

D’ةTOFFE

 

FINIR

 

DONC

DANS SA

IMITERAIS

TOUFFU

GOUTTIبRE

UNE FLEUR

 

 

LA

 

AUTRE

 

بRE

  MATIبRE ہ EST SUR

 

  GOUTTIبRE SON BORD

SUR

 

BOURG

 

 

 

LE DIPLشME

 

QUI

 

 

FAIT PAR

MةDIةVAL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

N’A RIEN

 

 

LE BERGER

DES ALPES-

 

 

 

 

 

 

 

PROCةDER

 

D’HUMAIN

 

 

 

MARITIMES

 

 

 

 

 

 

 

AU MARIAGE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COLLE

 

 

 

CERNER

 

TEL

DE HOUX

 

 

 

DE TOUS

 

LE BOUT

 

 

 

 

LES CشTةS

 

DU NEZ GELة

TOUR

 

 

DE COCHON

 

  MATIبRE ہ GOUTTIبRE

 

POUR

 

BIBI

 

  SA PARTIE JE VOUS CREUSةE:

EXPLIQUE

  GOUTTIبRE

 

 

CHANGE

 

 

 

VIVIER

 

 

 

DE BةBة

 

 

 

D’ALEVINS

 

 

 

ACTE DE

 

 

 

 

 

 

C’EST TOUT

NAISSANCE

 

 

 

 

 

CHANGةS

BتTE MAIS

 

 

 

 

 

 

EN MOINS

اA PLAخT

ORIFICE

 

 

 

 

 

BIEN

 

MURAL

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ARDENT

MANGEA

 

 

 

 

 

 

DةFENSEUR

TARD

 

 

 

 

LE SALUT

DONNE

 

 

 

 

 

 

 

 

SE PRةPA-

 

 

 

 

 

DES CITةS

UN PARFUM

 

 

 

 

 

 

 

 

RER ہ FAIRE

LA VOIE

 

 

 

 

 

 

UN ENFANT

DU POUVOIR

 

 

ON Y TROUVE

 

 

 

 

 

ARGILE

 

GOUTTIبRES

 

 

 

 

 

DES POTIERS

 

SORTIE

 

 

 

 

 

ARROSE

 

DE ROUTE

 

 

 

 

 

SARAGOSSE

 

 

 

 

RELATIVE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA CLEF

 

 

 

 

ہ LA BREBIS

 

 

DES CHANTS

 

 

 

 

LA

 

 

 

 

 

 

 

GOUTTIبRE

 

 

PRESQUE

 

 

 

 

A LE SIEN!

 

 

MبTRE

 

 

 

POINT

 

QUI

TRAITة

RةCIT DANS

 

 

UN CRI

 

NOUS COغTE

LE RةCIT

 

 

EFFRAYANT

 

BEAUCOUP

POULIE

(EN)

 

 

ہ GORGE

 

  CHAUFFEUR CICATRICE

 

DIVIN

PARTI

 

 

BOTANIQUE

  POUR FAIRE

 

POUR

SA VIE

 

 

  EU ةGARD ہ MONTRER

LA

 

ةLARGI ہ

DU BLEU

 

 

GOUTTIبRE

 

L’ENCOLURE

AUX YEUX

 

 

EN EST UNE

 

LEUR COUP

  EST

 

HASARDEUX

 

 

 

Jeux réalisés par Laurence Tournay. Solutions page 41.

 

 

Les sœurs célèbres

 

Françoise et Catherine

 

Unies pour le meilleur et p

 

Françoise, la journaliste, puis Catherine, la reine de la météo, sont devenues des personnalités reconnues du petit écran. Femmes de conviction, elles éprouvent leur fraternité face à la terrible maladie qui touche Catherine depuis huit ans.

 

Catherine et Françoise ont 9 et 7 ans lorsque la

 

famille s’envole une première fois pour les ةtats

 

Unis pour y passer tout l’été. Le voyage se répète les

 

années suivantes, jusqu’en 1967, pour des séjours

 

durant lesquels monsieur Laborde père donne sur

 

place des cours de littérature française. Les filles

 

sont alors partiellement scolarisées aux ةtats-Unis.

 

Adolescente, Françoise s’imagine comédienne et s’inscrit même au conservatoire, à Bordeaux. Mais elle n’a guère de talent pour la comédie. Au contraire de Catherine, qui obtient une licence d’anglais tout en suivant elle aussi les cours du

 

conservatoire d’art dramatique de leur ville natale.

 

Dès 1972, à 21 ans, elle apparaît en Henriette Royer

 

Vernet dans la série à succès de Robert Mazoyer, Les Gens de Mogador,sur la deuxième chaîne de l’ORTF, aux côtés notamment de Marie-José Nat,

 

Jean-Claude Drouot et Marie-France Pisier. Un an

 

plus tard, elle joue dans sa première pièce, à Paris, Lةglisede Louis-Ferdinand Céline, puis enchaîne des petits rôles dans quatre films de Jean-Charles

 

Au départ divergentes, les routes professionnelles

 

Tacchella. ہ la télévision, on la retrouve aussi

 

de Françoise et Catherine vont se croiser. dans deux épisodes des Enquêtes du Commissaire Maigretavec Jean Richard. Sa voie semble tracée.

 

 

es deux sœurs Laborde se sont révé-

Françoise lâche la comédie à contrecœur. «Ma

 

lées grâce à la télé. Mais si l’une, la plus

sœur voulait faire du théâtre, elle l’a toujours dit

 

jeune, la plus blonde, la plus expansive,

depuis qu’elle sait parler, confiera Catherine. Et

L

l’a vécu comme une vocation, l’autre, de

quand j’ai décidé de m’inscrire au conservatoire,

 

deux ans son aînée, dévouée durant près de trente

elle m’en a beaucoup voulu.»

 

ans aux bulletins météo de la Une, l’a pris comme

 

 

 

Réunies sur la même chaîne

 

un sacerdoce. Elle, c’est Catherine, née le 8 mai

 

 

à Bordeaux. Sa petite sœur, c’est Françoise,

Françoise se lance donc dans des études de droit

 

née le 1ermai 1953. Toutes les deux ont une aînée,

des affaires, jusqu’à obtenir un DEA à l’univer-

 

Geneviève, restée loin des projecteurs, et sont les

sité Bordeaux 1, avant de poursuivre son cursus

 

filles d’un professeur d’anglais et d’une couturière.

aux ةtats-Unis, où elle décroche son diplôme à

 

 

 

 

 

par Victor Cascales

 

ensuite Théodore en 1995), Françoise change de

 

chaîne et passe sur France 3. Durant deux ans, elle

 

va y exercer comme chef du service économie et

 

Laborde

 

rédactrice en chef adjointe. Puis ce sera France 2, avec les mêmes fonctions. En 1997, l’emblématique Télématin,présentée par William Leymergie, l’enour le pire

 

gage comme rédactrice en chef. On lui confie dans le mêmetempsLes4vérités,l’interviewpolitiquematinale. Elleytiendralabarrejusqu’endécembre 2006.

 

l’université Washington & Lee, en Virginie. Tandis

Mais c’est son poste de joker à la présentation des

 

que sa sœur trace sa route sur les planches ou

journaux du week-end, en lieu et place de Béatrice

 

devant la caméra, elle part en 1979, à 26 ans, pour

Schِnberg, qui va la révéler au grand public à partir

 

Bruxelles où elle collabore à la revue Europolitique,

de 1999. ہ l’annonce de la grossesse d’ةlise Lucet

 

puis devient correspondante pour la radio RFI.

en septembre 2006, France 2 lui confie les rênes

 

Françoise passe donc derrière le micro et s’impose

du 13 heures.Une belle récompense pour une jour-

 

comme journaliste, option économie et social, sur

naliste polyvalente et à la carrière déjà bien rem-

 

l’antennedeRMCoùelletravailleentre1981et 1985,

plie. En avril 2021, avec son franc-parler habituel

 

enplein«tournantdelarigueur». En1985, Françoise

mais sans amertume, Françoise Laborde évoquait

 

Laborde est nommée chef du service économie de

la différence de salaire avec sa grande sœur à

 

TF1, puis devient rédactrice en chef adjointe. Une

l’époque. «Je gagnais entre 6000 et 7000 euros par

 

réussite express et encore rare dans le PAF de

mois pour le journal, c’est environ la même somme

 

l’époque pour une jeune femme trentenaire.

que je gagnais au Conseil supérieur de l’audiovi-

 

Catherine, elle, parle aussi d’économies, mais

suel [elle y est nommée en janvier 2009 par Nicolas

 

celles qui s’imposent aux artistes…Un jour de jan-

Sarkozy, alors président de la République]. Ma sœur

 

vier 1983, en pleine grève des comédiens, elle est

était plus payée que moi, ça devait être dans les

 

invitée en compagnie de Henri Virlogeux, sur le

euros par mois. TF1 paye plus que le ser-

 

plateau du 13 heuresd’Antenne 2 présenté alors par

vice public.» Catherine s’y essaiera pourtant, sur

 

Noël Mamère. Tous se battent pour une meilleure

France 3, entre 1990 et 1993, à la présentation de

 

indemnisationchômage. Lesroutesprofessionnelles

Parole d’école. Touche-à-tout, on la retrouve aussi

 

des deux sœurs Laborde vont se croiser en 1988. La

à la tête de Télévitrine,le téléachat de la Une.

 

Unecherchealorsunenouvelleprésentatricemétéo,

Cesdeuxtrajectoires également réussies vont être

 

pour succéder notamment àMuriel Hees. Françoise

bouleversées par une maladie nommée «à corps de

 

l’apprend et elle recommande à Catherine, de poser

Lewy», aux symptômes proches d’Alzheimer et de

 

sa candidature. Bingo! Après un seul essai, elle est

Parkinson, que l’on diagnostique à Catherine en

 

engagée dans un service où l’inénarrable Alain

. Depuis, l’aînée a quitté le PAF, concluant son

 

Gillot-Pétré fait la pluie et le beau temps. Voilà les

ultime bulletin météo dimanche 1erjanvier 2017

 

deux sœurs réunies sur la même chaîne! De sa voix

par ces mots: «Je vous emporte avec moi. Vous

 

caressante, Catherine présente sa première météo

m’oublierez, moi non. Je vous aime.» Catherine se

 

le 11 juillet 1988, alors que le temps est anormale-

bat contre cette «saloperie, mais à l’évolution très

 

ment frais et pluvieux. Chaque jour, durant près de

lente» selon les termes de Françoise. Cette der-

 

trois décennies, sonbulletin, sérieux, informé, mais

nière donne régulièrement des nouvelles de sa

 

souriant va encadrer les journaux de 13 heures et

sœur désormais installée sur l’île d’Yeu avec son

 

heures. Entre-temps, elle est devenue maman de

mari, Thomas Stern.

 

deux filles, Gabrielle (1987) et Pia (1990).

La maladie a définitivement rapproché les deux

 

 

sœurs, un temps fâchées. En octobre 2020, dans

 

Chacune sa route

 

 

 

l’émission Sept à huit,Françoise, émue, évoquait

 

Dès 1993, l’année de la naissance de son premier

son aînée: «Ma Catherine, toujours belle et sen-

 

fils, Numa (Françoise et son mari, Manuel Joaquim,

sible… tu es comme un oiseau fragile… élégante

 

grand reporter de TF1, décédé en 2006, accueilleront

en dépit de tout. Je t’aime.»

 

 

 

 

 

Toutes vos lettres

 

Cahiersont pu avoir une suite écrite par

nous le savons, des amies et amis de

Béa, l’amie intime de Marie-Thérèse. Il

plume. Peut-être rencontrera-t-elle un

 

 

Avis à nos lectrices

 

     semblerait que, dans Les Veillées,un ami ? Nous lançons notre bouteille à la Pour vos annonces,

 

petit article ait annoncé le décès de mer en pensant qu’elle arrivera à bon

 

il faut écrire à :

 

        Marie-Thérèse. Je me suis tellement port. Merci au journal Les Veillées des Les Veillées des Chaumières,

 

       attachée à cette femme que j’aimerais Chaumières. Son adresse est la suiToutes vos lettres,

 

        savoir si l’une d’entre vous a lu ce bullevante : Mme Josy LAPضTRE, 6, rue 40, avenue Aristide-Briand

 

        tin. Merci de me le faire savoir par courFrançois-Morlé, Hameau de la Barratte, 92220 Bagneux

 

rier. Je vous serai très reconnaissante 58000 Nevers.

 

ou à ladresse mail :

 

de vos réponses. Mme Pierrette SAدD,

 

redaction.veillees@

 

 

, rue Curial, logement 873, Br H,

Je n’ai malheureusement pas reçu

reworldmedia.com

 

 

 

Paris. Mon adresse mail est la

de courrier pour mon anniversaire, le

Pour les anniversaires,

suivante : lila2709hotmail.com

février dernier. Ce jour-là, j’ai eu 80 ans

nous vous prions

 

et cela m’aurait fait tellement plaisir de

d’envoyer vos messages

 

 

 

 

recevoir des mots des Veilleuses. Le

deux mois avant parution.

Perdu de vue

 

 

 

avril 2021, j’ai perdu mon fils, puis

 

Bonjour  à  tous.  Fidèle  Veilleuse

un cousin. Alors, même si la date de

 

depuis de nombreuses années, je

mon anniversaire est passée, je serais

Correspondantes

 

 

 

souhaite retrouver un ami d’enfance,

quand même très heureuse de recevoir

Bonjour à toutes les Veilleuses. Je

Thierry Dujardin, qui avait un frère

du courrier. J’aime beaucoup ce jour-

vous  écris  afin  de  vous  demander

jumeau, Philippe, qui habitait dans

nal, je l’attends chaque semaine avec

de publier mon annonce pour m’ex-

l’Eure, à Surtauville. Si vous le connais-

impatience. Je vous remercie d’avance,

cuser de n’avoir pu répondre à plu-

sez, merci de lui transmettre mes coor-

chères Veilleuses. Mme Paulette

sieurs personnes. Mon fils handicapé

données, car je voudrais tant le revoir.

MALEZIEUX-VESQUE, 5, rue Hersent-

a eu un très gros souci de santé, ré-

Encore bravo pour la grande qualité

Luzarche, 36290 Azay-le-Ferron.

solu depuis. Je suis une maman seule,

de votre superbe hebdomadaire, que

 

âgée de 58 ans, et je recherche des

je guette chaque fois pour la chaleur,

Ma chère Josette, Agnès, ton amie

amies de plume pour échanger sur

le soleil qu’il m’apporte. Mme Isabelle

de plume, te souhaite un très bon anni-

tous les domaines et me changer les

DUPREY, 4, route du Neubourg, 27400

versaire pour tes 73 ans le 23 juin. Que

idées. Merci à toutes pour vos cour-

Surville. Mon numéro de téléphone est

cette journée te soit belle, tu le mérites

riers, merci infiniment de prendre cette

le suivant : 02-32-50-55-72.

tant ! Mme Agnès MERWZOT, 13D,

demande  en  considération  et  mer-

 

boulevard Voltaire, 21000 Dijon.

ci d’exister. Cordialement. Mme Lylie

 

 

 

Anniversaires

 

BATTEL, 123, rue Albert-Dürer, bât B,

 

Maman est une lectrice des Veillées

appt 49, 62100 Calais.

Nous sommes des amis de Mme Josy

depuis de très nombreuses années.

 

LAPضTRE depuis fort longtemps et

Maintenant qu’elle est alitée, impo-

 

nous voudrions lui faire une surprise en

tente, je lui fais la lecture de la revue.

Recherches diverses

 

 

 

passant cette annonce sur Les Veillées

Elle aura 98 ans le 18 juin. Elle serait

Bonjour  à  toutes  les  Veilleuses.

des Chaumières pour son anniversaire,

heureuse de recevoir quelques petits

Avez-vous été ou êtes-vous encore,

qui a eu lieu le 26 avril, même si la date

mots à cette occasion. ةtant originaire

comme moi aujourd’hui, une amatrice

est un peu dépassée. C’est une dame

du Limousin, si elle recevait quelques

des Cahiers de Marie-Thérèse ?J’ai lu

très gentille, très simple, partageant de

cartes de ce territoire (Dordogne, Haute-

ces Cahiersdans des livres qui conte-

nombreux problèmes avec les autres.

Vienne…), cela lui ferait chaud au cœur.

naient, au début, un mot de l’éditeur. ہ

Elle aime dialoguer, partager et donner

Merci beaucoup et merci pour votre

la fin était mentionné « Après ce pré-

beaucoup aux autres. Aussi, nous pen-

belle revue, très riche. Mme Denise

sent roman se terminent Les Cahiers

sons que cette annonce lui plaira beau-

MENUSIER, (maman s’appelle Renée),

de Marie-Thérèse »et ces merveilleux

coup car, étant seule, elle recherche,

, rue du Mont-Phaunus, 14400 Bayeux.

 

 

 

 

 

par Suzanne de Arriba

Feuilleton

 

 

Les héritiers de Val-Vert

 

- RةSUMة: Cécilia est invitée à déjeuner chez

abriel et Cécilia partirent le len-

les Brétignac. Gabriel en est très heureux. La

demain de bonne heure. Les

jeune femme se sent tout de suite à l’aise au sein

petites départementales qu’ils

de cette famille, et se met à rêver d’une autre

empruntaient grimpaient vers

vie, plus simple, à la campagne, entourée d’en-

des territoires plus sauvages.

fants. Mais Gabriel est si jeune… De son côté,

Ces voies étroites se tortillaient entre les

Sylvain apprend que la bergerie est en vente et

balmes rocheuses et fendaient parfois des

songe à revenir sur les terres de son enfance. Il

bosquets de pins. Les jeunes gens s’accor-

en fait part à Désirée qui approuve son choix.

daient une halte de temps en temps pour

Il lui avoue aussi les sentiments qu’il éprouve

admirer le paysage. Gabriel montra à Cécilia

pour elle, mais Désirée reste distante. Elle est

des sapins Douglas.

encore sous l’emprise de Serge Vancelot et ne

- Tu sens? L’odeur de ces conifères me

peut se souvenir sans émotion du baiser qu’il

monte toujours à la tête. J’adore! Le Douglas,

lui a donné. Mais Serge malgré toute l’affection

c’est un arbre qui pousse très vite. Son bois

qu’il lui voue, ne songe pas à l’épouser. Pour

rouge est très apprécié.

l’heure Gabriel et Cécilia se sont accordés une

Avec Gabriel comme guide, Cécilia appre-

semaine de vacances et partent sur les traces de

nait à reconnaître les arbres. Elle ignorait

Stevenson. (Voir Veillées nos 3517 et suivants.)

jusqu’à présent que, seul des conifères, le

 

 

mélèze arbore des épines caduques. Les

 

 

 

 

Les héritiers de Val-Vert

 

 

paysages se succédaient, dans une nature

pailletés d’or, sa belle bouche ferme. C’était

 

aussi changeante que généreuse. En voi-

un moment entre parenthèses, il fallait en

 

ture, on allait certes plus vite que juché

profiter, ne pas évoquer un avenir incer-

 

sur un âne! Aussi il fallait s’arrêter sou-

tain, pour elle qui était habituée à la solitude

 

vent pour apprécier les sites et faire d’in-

depuis l’enfance. Alors sa lassitude s’envola

 

téressantes découvertes. Il y eut Pradelles,

et elle se détendit pleinement. La nuit était

 

puis Langogne, - et ils parlèrent de la bête

tombée. Les flammes créaient des chatoie-

 

du Gévaudan - ensuite Cheylard-l’ةvêque,

ments soyeux sur les ustensiles en cuivre

 

et ils poussèrent jusqu’à la trappe de Notre-

accrochés au mur, face à la cheminée.

 

Dame-des-Neiges, où Stevenson avait fait

Et lui, Gabriel, il lui souriait de tout son

 

halte, hébergé par les frères cisterciens.

cœur. Elle semblait si heureuse ce soir, en

 

- Si on couchait en route? proposa Gabriel

sa compagnie. Comme elle était belle ! Rien

 

quand ils repartirent, un peu sonnés aussi

que pour avoir connu cette jeune, femme, la

 

bien par l’altitude que par l’atmosphère

vie valait la peine d’être vécue! « C’est donc

 

mystique où ils s’étaient immergés.

cela, être amoureux? » se dit Gabriel trans-

 

Cécilia accepta. Avant le Bleymard qu’ils

porté par ce sentiment qui lui était tombé

 

se proposèrent de visiter le lendemain, une

dessus dès l’instant où il avait vu Cécilia à

 

petite auberge dans les pins leur fit signe.

Lyon. Un sentiment qui ne cessait de croître.

 

ہ cette époque de l’année, ils avaient à leur

Après le dessert, savouré lentement, les

 

disposition presque la totalité des chambres.

jeunes gens sortirent sur la terrasse et

 

Gabriel en retint deux, les plus belles, qui

regardèrent la lune naviguer vers le milieu

 

donnaient sur le mont Lozère. Ils prirent

du ciel.

 

l’apéritif sur la terrasse, mais le soir fraîchis-

- Je suis épuisée, avoua bientôt Cécilia

 

sait et ils dînèrent dans la salle à manger,

dont les paupières s’alourdissaient. Les yeux

 

près de la cheminée monumentale où l’on

me piquent. Je comprends à présent pour-

 

alluma du feu exprès pour eux. Gabriel com-

quoi les enfants croient au marchand de

 

manda les spécialités de l’établissement.

sable ! Je vais me coucher, Gabriel.

 

Avant le dessert, il fit goûter à sa compagne

- J’y vais aussi, dit-il, tournant la tête pour

 

un fromage délicieux: le pélardon.

qu’elle ne puisse pas lire dans ses yeux la

 

- Au lait de chèvre, précisa-t-il. Pas très

question qu’il avait envie de lui poser et qui

 

différents de ceux que fabrique grand-père

aurait tout gâché.

Seigle.

 

Cependant il s’approcha d’elle, pour un

 

 

baiser d’ami. Leurs joues se frôlèrent, et

 

 

sans qu’il le veuille les doigts de Gabriel

 

écilia était fatiguée, mais elle se

se crispèrent sur les épaules de la jeune

 

sentait bien. Elle réalisa qu’elle

femme, cherchant sa chaleur à travers le

C

n’avait pas pensé à Patrick de toute

vêtement léger. Et malgré elle, Cécilia frémit

 

la journée. Et elle se persuada aisément

sous l’étreinte de ses doigts.

 

qu’avec le temps elle pouvait l’oublier… elle

- Dors bien, chuchota-t-il en prenant la

 

croyait l’avoir fait, d’ailleurs, ces dernières

main de sa compagne et la portant à ses

années.

 

lèvres. Fais de beaux rêves.

 

Gabriel choisit le vin avec un sérieux qui

- Nous partirons de bonne heure, demain?

 

amusa Cécilia. Le sommelier leur servit

- Nous partirons « quand nous » ! C’est

 

un excellent cru précédé et accompagné

une expression de ma tante Esther, qui est

 

du cérémonial habituel. Elle trempa ses

lyonnaise. Dors aussi longtemps que tu vou-

 

lèvres dans le liquide aux reflets de rubis

dras.

 

et regarda son compagnon. Elle aimait son

Mais, le lendemain, les premiers rayons

 

visage plaisant, taillé à grands traits, ses

du soleil tirèrent Cécilia d’un sommeil pro-

 

yeux d’une nuance extraordinaire, verts

fond, qui l’avait totalement reposée. Gabriel

 

 

 

 

 

l’attendait, réveillé lui aussi de bonne heure.

merveilleusement heureux. Je vis l’instant

Ils prirent un copieux petit-déjeuner, ras-

qui passe. Et si je le passe avec toi, c’est

semblèrent leurs affaires et repartirent.

encore mieux.

Comme ils se l’étaient promis, ils passèrent

- Tu es un sage! et pourtant tu es si jeune!

une partie de la journée dans le village du

- Arrête un peu avec mon âge! protesta

Bleymard, en plein cœur de la Lozère. Ils

Gabriel, d’un ton si véhément que Cécilia

rentrèrent par d’autres petites routes, pre-

sourit, amusée.

 

 

nant leur temps. Ils admirèrent le mont

 

Aigoual dressé dans le lointain, s’arrêtèrent

 

une fois encore pour découvrir la jolie cité

 

de Florac, sous-préfecture de la Lozère, au

Gabriel, tu es un merveilleux

 

 

cœur du parc national des Cévennes. Ils y

 

ami. Mais je dois t’avertir !

 

trouvèrent un hôtel-restaurant très confor-

‘‘

 

 

table et y passèrent leur seconde nuit. Ils

 

Ne t’attache pas trop à moi

 

revinrent par Saint-Jean-du-Gard, puis ce fut Alès.

 

 

 

Après cette belle excursion, Cécilia passa

’’

 

 

de nouveau plusieurs jours sans voir per-

 

 

ls remontèrent par la vallée du Rhône.

sonne, emportée par le courant impétueux

 

 

Gabriel s’arrêta au bord d’un vignoble

de sa création que les beaux panoramas

 

I

déjà vendangé. Une cabane en pierre

admirés avec Gabriel avaient dynamisée.

 

 

sèche, une borie, venant d’autres âges, se

Et, quand elle ne peignait pas, elle rêvait,

 

 

postait à l’horizon, veillant sur les hectares

flânait le long du ruisseau ou lisait, tard,

 

 

de ceps. Il émanait de ce site agreste une

dans son lit. Parfois, elle pensait à Gabriel

 

 

poésie subtile qui s’accordait avec la douceur

qui se comportait avec elle avec tant de dou-

 

 

du matin. Le soleil imprimait des couleurs

ceur et de prévenance. Il acceptait d’être un

 

 

roses sur les feuillages des pieds de vigne

ami, pourtant il était amoureux. Elle était

 

 

produisant un vin qui, assura Gabriel, dis-

bien obligée d’en tenir compte. L’amour, chez

 

 

tillait en bouche un arôme de framboise.

lui, était dénué d’égoïsme. Mais Gabriel était

 

 

- J’ai des images plein la tête et le cœur,

jeune et ardent et, quoi qu’il en dise, un jour

 

 

déclara Cécilia, et tous ces paysages dont

il voudrait davantage, ou souffrirait vrai-

 

 

nous avons pris des photos m’ont donné ter-

ment de la situation. Comment faire pour

 

 

riblement envie de peindre.

ne pas le blesser? Fallait-il cesser de le

 

 

- Nous allons rentrer, dit Gabriel à regret.

voir ? Renoncer à cette relation précieuse ?

 

 

Au début de l’après-midi nous arriverons au

Attendre que les choses meurent d’elles-

 

 

village. J’aurais voulu que ce voyage ne se

mêmes, avec son départ de Val-Vert ? Car

 

termine jamais.

 

elle repartirait fatalement.

 

 

- Gabriel… tu es un merveilleux ami. Mais

On frappa. Cécilia se leva et, sans réflé-

 

 

je dois t’avertir! Ne t’attache pas trop à moi.

chir, tira la porte. Alors elle tressaillit.

 

 

Tu comprends ce que je veux dire? Je ne

Elle avait vu d’abord les cheveux cuivrés

 

 

veux pas que tu sois malheureux à cause

de Patrick Brétignac et c’était comme si la

 

 

de moi. Tu es si jeune! Tu rencontreras

lumière avait envahi la maison.

 

 

d’autres femmes. Et l’une d’elles saura te

- Bonsoir, Cécilia. Est-ce que je peux

 

plaire.

 

entrer un instant ?

 

 

- Je ne crois pas. Mais ne t’inquiète pas

- Bien sûr.

 

 

pour moi, Cécilia. Il vaut mieux vibrer et

Elle referma la porte. Respirer à fond… Se

 

 

souffrir que de rester indifférent. ہ mon

maîtriser, garder son calme, ne pas montrer

 

 

avis ! Et dans mon cas ! Mais je ne suis pas

son trouble et sa joie insensée… Quelques

 

 

malheureux, en ce moment. Je suis même

jours plus tôt, elle pensait avoir enfin oublié

 

 

 

 

 

 

Les héritiers de Val-Vert

 

le cousin de Gabriel. Mais non! Il avait suffi

 

qui se considérait comme ta promise, malgré

qu’il paraise pour qu’à nouveau elle soit

 

son jeune âge. Et tu n’aimais pas l’idée que

bouleversée.

 

je puisse faire carrière. Une artiste-peintre,

Embarrassé de sa personne, Patrick s’était

 

pensez donc! Alors tu as cédé aux pressions

appuyé à la table.

de ton père.

 

- J’espère que je ne te dérange pas?

 

- Tu te trompes. Je t’aurais épousée sans

- Non. Seulement, je ne m’attendais pas

 

son approbation. Mais tu as manqué de

à ta visite!

 

patience, tu es partie, et j’ai cru devenir fou.

- Tu te souviens… chez les parents de

 

- J’ai du mal à le croire! Tu étais blessé

Laura… J’ai reçu un fameux choc en te

 

dans ton amour-propre autant que dans ton

voyant avec mon jeune cousin.

 

soi-disant amour. Tu étais furieux !

- Et tu as cru que je venais te narguer, te

 

Patrick se détourna des toiles lumineuses

provoquer ?

 

et il laissa échapper un soupir. Cette joute

- Non, non, je t’assure. En fait, tu ne pou-

 

oratoire semblait l’avoir épuisé. Il haussa

vais pas savoir que j’étais marié à Laura et

les épaules.

 

que je me trouverais chez les Bertholon ce

 

- Finalement, c’est mieux ainsi. Nous

jour-là.

 

sommes trop différents. Je suis quelqu’un

- Je savais que tu étais marié à ton amie

 

de simple et tu es si compliquée, Cécilia !

d’enfance, Patrick.

 

Enfin, je constate que ta peinture, ça a l’air

- Et tu es venue quand même ? Au risque

 

de marcher. J’ai lu quelquefois dans les jour-

de me rencontrer ?

 

naux d’excellentes critiques sur tes exposi-

- Oui. Le passé est derrière nous. J’ai

 

tions. Tu as la vie dont tu rêvais, en somme.

accompagné Gabriel, sans trop d’hésitation.

 

Elle éluda d’un geste de la main et à son

Toi et moi, nous nous sommes revus. Nous

tour questionna :

 

avons surmonté la surprise et le choc. Nous

 

- Et toi ? Es-tu heureux ?

sommes des gens civilisés, n’est-ce pas ?

 

- Mais oui. Mon père me laisse de plus en

Cécilia s’étonnait de prononcer ces mots

 

plus de liberté pour la gestion du domaine.

avec calme, alors qu’en elle, c’était la tem-

 

Et ma femme m’a donné deux enfants ado-

pête et qu’elle ne croyait pas du tout à ce

rables.

 

qu’elle racontait.

 

- Alors pourquoi es-tu venu, ce soir?

- Si tu le dis, Cécilia !

 

- Je ne sais pas, Cécilia. ہ cause de nos

Peut-être pour se donner une contenance,

 

souvenirs, peut-être. C’était inutile et même

Patrick s’écarta et s’approcha du mur où la

 

déplacé. Excuse-moi de t’avoir dérangée.

jeune femme avait accroché quelques-unes

 

 

de ses toiles.

 

 

- Elles sont magnifiques, dit-il d’une voix

 

atrick s’en alla, comme on fuit. Mais

sourde. Cette lumière, cette fluidité… Tu as

 

le lendemain, dans la matinée, il l’ap-

tellement progressé !

P

pela au téléphone.

- Merci. Tu t’intéresses à la peinture,

 

- Je dois te parler, Cécilia. Je n’ai pas fermé

aujourd’hui ?

 

l’œil de la nuit. De te revoir… ça m’a complè-

- Mais… oui. Parce que je connais l’artiste.

 

tement chamboulé. Hier, je me suis conduit

- Hier, tu ne t’intéressais pas à la vraie

 

stupidement. Cécilia… je voulais te dire…

Cécilia. Car on ne peut pas dissocier l’ar-

 

le passé est derrière nous, bien sûr, mais

tiste de la femme.

 

nous pourrions peut-être renouer des liens

- Je t’aimais, pourtant ! protesta Patrick.

d’amitié ?

 

Si tu m’avais laissé le temps de grandir, de

 

- Je ne crois pas trop à l’amitié entre un

mûrir… notre histoire aurait eu une issue

 

homme et une femme qui ont été des amou-

heureuse.

 

reux. ہ quoi cela nous mènerait-il, Patrick?

- Je n’en suis pas certaine. Il y avait Laura,

 

- Ne nous posons pas de questions. Hier,

 

 

 

 

 

tu tremblais quand je suis entré. Tu étais

 

- Tu aimes le Dauphiné, Cécilia. La

perturbée, même si tu essayais soigneuse-

 

preuve… tu y es revenue. Mais pas seule-

ment de le cacher. Ne dis pas le contraire.

 

ment pour la beauté des paysages. Dis-moi

Cécilia, je te l’avoue : depuis que je t’ai vue

 

franchement, c’est pour Gabriel? Pour moi?

chez les Bertholon, je ne pense plus qu’à toi,

 

- Nous en avons parlé l’autre soir. Ne crois

à ce bonheur que nous avons gâché. Ose dire

 

pas que tu sois seul en cause. Je suis revenue

que tu ne souhaitais pas me revoir ?

 

aussi parce que cela me faisait plaisir. Pour

Elle restait muette. Quel homme curieux,

 

peindre, exorciser mes souvenirs, qui sait.

ce Patrick, mélange de tendresse et d’in-

 

- Souvenirs dont je fais partie.

flexibilité ! Ce qu’elle cherchait en lui, hier,

 

 

c’était qu’il sache rester fort tout en étant

 

 

sensible et tendre. Cependant la tendresse

 

ls déjeunèrent dans un restaurant

ne signifiait pas la compréhension de l’autre.

 

réputé, puis ils flânèrent dans les alen-

Et Patrick était hermétique à ses propres

I

tours, traversèrent un pont, s’accou-

désirs.

 

dèrent à la balustrade. En contrebas l’Isère

ةtait-il trop tard aujourd’hui? Bien sûr. Il

 

roulait des eaux du même vert que les yeux

était marié, il avait des enfants. Beaucoup de

 

de Gabriel. En se rappelant le jeune homme,

choses dans une vie peuvent être remises

 

et tout ce qu’ils avaient partagé pendant

en question, toutefois Cécilia ne se voyait

 

leur grande virée en Ardèche et dans les

pas dans le rôle de celle qui fait voler en

 

Cévennes, Cécilia ressentit un étrange

éclats une famille. Mais cet amour, qu’ils

 

malaise. Il lui semblait le trahir. Patrick

n’avaient pas vécu jusqu’au bout ? Soudain,

 

pensait lui aussi à son cousin.

aux yeux de la jeune femme, il devenait pré-

 

- Cécilia, réponds franchement à cette

cieux, comme tout ce qui est inachevé.

 

question: Gabriel, qu’est-il exactement pour

- Cécilia ! réponds ! supplia Patrick de la

toi ?

 

même voix sourde. Je voudrais te rencon-

- Un ami.

 

trer… seul à seule. Ailleurs qu’au village.

 

- Pas davantage ?

Dis oui!

 

- Un ami, Patrick, c’est déjà merveilleux.

Elle accepta, consciente néanmoins de

 

Nous n’avons jamais été des amis, toi et moi.

commettre une erreur. Elle se coucha tôt,

 

- Nous étions des amoureux, nous nous

après un repas frugal. Pourtant, contre toute

 

sommes aimés avec passion. Et cela compte!

attente elle dormit bien. Elle reprenait des

 

déclara Patrick âprement. Malheureusement

forces, elle se préparait inconsciemment à

 

j’ai tout gâché. Oh ! Cécilia ! Que m’arrive-t-

une nouvelle expérience, dont la nécessité

 

il? Je n’ai aucun droit de regard sur ta vie et

était inscrite au plus profond de son être.

 

je suis jaloux de mon cousin. De ce gamin !

Patrick vint la chercher de bonne heure.

 

J’ai tellement regretté, après ton départ.

Elle était prête. Ils décidèrent de passer la

 

- Cela ne t’a pas empêché d’épouser Laura.

journée à Saint-Marcellin, à une trentaine

 

Patrick ne trouva rien à répondre à cette

de kilomètres de leur village. Cette esca-

 

évidence. Ils retournèrent dans le centre de

pade les excitait. Et puis, dans cette jolie

 

la bourgade. Un banc les accueillit, un peu

commune, située entre le Vercors et les

 

à l’écart. Patrick s’allongea sur les planches

Chambarans, personne ne les connaissait.

 

et posa sa tête sur les genoux de Cécilia. Son

- Nous avons de la chance, Cécilia, il fait

 

regard la suppliait et la bravait aussi. Elle

beau !

 

inclina la tête. Leurs bouches se touchèrent.

Patrick semblait plus jeune. Ses yeux verts

 

Un baiser les unit. Patrick attira Cécilia à

brillaient. Il riait, sans raison, et puis deve-

 

lui. Mais quand il se fit trop pressant, elle

nait grave.

lui échappa.

 

- Il fait toujours beau, l’automne, dans ta

 

- Retournons vers la voiture. On nous

région !

 

regarde, arrête, je t’en prie, arrête !

 

 

 

 

 

Les héritiers de Val-Vert

 

 

- Je me fiche de ce que pensent les gens.

dit qu’il avait pris sa journée pour rencon-

 

- Quelqu’un peut te reconnaître.

trer des clients.

- Pas ici, Cécilia.

 

Gabriel la scrutait. Elle ne voulut pas

 

- ةcoute, Patrick… nous ferions mieux

mentir.

 

de rentrer, dit-elle. Je n’ai plus envie de me

- Il lui a menti, c’est vrai. Nous étions

balader.

 

ensemble à Saint-Marcellin.

 

- Comme ça tombe bien, riposta Patrick,

- Je m’en doutais. Je te mets en garde,

 

sombrement. Moi non plus !

Cécilia ! Patrick va te reprendre !

 

 

- Non. Il n’en est pas question, c’est un

 

 

ami désormais.

 

abriel lui aussi avait proposé à Cécilia

- Je suis jaloux.

 

de passer la journée avec lui. Elle

- Ne dis pas cela. Patrick m’a déclaré la

G

avait accepté, espérant oublier un

même chose. Je ne veux pas être un objet

 

peu Patrick et leur sortie qui s’était mal ter-

de discorde entre vous. Et puis aujourd’hui

 

minée. Parce qu’elle avait eu peur! Elle savait

Patrick a femme et enfants. Je crois que je

 

à présent avec quelle passion il la voulait et,

ferais mieux de repartir. C’était une mau-

 

pour elle, renouer avec lui des liens d’inti-

vaise idée de revenir au village.

 

mité, c’était un danger, elle ne voulait pas

Gabriel prit un air affolé.

 

retomber dans ses bras, même s’il la trou-

- Non,  Cécilia,  non !  pas  encore !

 

blait toujours autant. Et il n’était pas ques-

Pardonne-moi. Je ne dirai plus rien qui

 

tion d’être celle qui brise un ménage. Elle

puisse te contrarier. Je ne porterai pas de

 

devait cesser de le voir. Malheureusement,

jugement sur ton histoire avec Patrick.

 

c’était plus facile à dire qu’à faire!

Elle retint un soupir. Il ne dirait plus rien,

 

Gabriel donna un coup de klaxon pour

mais le résultat serait le même. Gabriel l’ai-

 

avertir Cécilia qu’il était arrivé. Elle était

mait et Patrick assurait qu’il n’avait jamais

 

prête et n’attendait que ce signal.

cessé de l’aimer, de regretter. Et elle, dans

 

Elle ferma rapidement sa porte et se

tout cela ?

 

dirigea vers le jeune homme, adossé à sa

Il faisait beau et Cécilia décida de se

 

voiture. Il était vêtu d’une façon décon-

détendre, d’oublier un peu ces tensions et

 

tractée qui lui allait bien. Il avait attaché

cette angoisse qui lui donnaient le vertige

 

en arrière ses cheveux longs mais soignés,

quand elle se penchait sur son avenir. Elle

 

ce qui dégageait son visage, lui donnait un

voulait oublier la journée passée avec son

 

air plus grave. Gabriel, lui, resta saisi par

premier amour et la culpabilité qu’elle res-

 

la beauté, le charme de Cécilia, dont le teint

sentait. Reprendre leur relation ne pouvait

 

délicat était mis en valeur par un ensemble

la mener à rien, sinon à devenir la maîtresse

bleu roi.

 

de Patrick. Et elle ne voulait pas de cela,

 

Il la complimenta d’une voix sourde:

pas plus qu’elle ne voulait qu’il casse son

 

- Tu es très belle! Je vais faire des envieux.

mariage pour elle. Elle pensait à ses enfants.

Patrick, peut-être.

 

Elle ne leur souhaitait pas vivre ce qu’elle

 

Elle le regarda, surprise par la façon bru-

avait enduré quand son père avait quitté

 

tale dont il avait prononcé le nom de son

sa mère.

cousin.

 

Et puis, de sortie en sortie, de dimanche

 

- Tu l’as revu, n’est-ce pas?

en dimanche, elle se sentait plus proche de

 

- Comment le sais-tu ?

Gabriel et ne se focalisait plus autant sur

 

- Je devine tout quand il s’agit de toi.

leur différence d’âge.

 

Elle s’était assise près de lui. Gabriel ne

Ce jour-là, après un déjeuner dans un

 

se décidait pas à démarrer et crispait ses

excellent restaurant, les jeunes gens flâ-

mains sur le volant.

 

nèrent dans les environs, puis ils rega-

 

- J’ai croisé sa jeune épouse, hier. Elle m’a

gnèrent le village.

 

 

 

 

 

- Tu veux rentrer tout de suite au Plannet?

léger bruit dans les haies. Ce n’était qu’un

demanda Gabriel.

oiseau ou le vent qui froissait les feuil-

- Non ! Prends plutôt ce chemin-là, à

lages, alors l’animal, tout bête, regardait

droite!

son maître qui riait.

- Tu veux qu’on aille voir la fameuse ber-

- Comment s’appelle-t-il ? demanda la

gerie de la Rochette? Sylvain s’y trouve

jeune femme.

peut-être. Tu sais qu’il est rentré ?

- Fine… c’est une fille! Une descendante

- Oui, je veux bien, mais pas tout de suite.

de mes « Fifille ».

Pas aujourd’hui. Tu bifurqueras avant. Je

Cécilia se pencha pour caresser la chienne

voudrais aller voir tes grands-parents. Je

et Fine la débarbouilla de sa langue rose.

les aime beaucoup.

Gabriel regardait en souriant. Car « qui aime

- Et c’est réciproque. Ils ont été très tou-

les bêtes, aime les gens », songeait le jeune

chés par ton geste. Ils adorent cette toile que

homme qui avait entendu sa mère proférer

tu as créée pour eux.

cet adage des dizaines de fois.

Gabriel arrêta le véhicule à l’entrée du

Le ciel resplendissait de tout l’or du cou-

chemin et ils poursuivent à pied. Alphonse,

chant et Cécilia imagina pour la chèvrerie

planté devant la chèvrerie, leur fit signe puis

une autre version dans une explosion de

alla à leur rencontre.

couleurs flamboyantes.

Un chien courut vers eux, la queue bat-

Ils passèrent un moment avec le vieux

tante, jouant à faire le fou ou prenant un air

couple si heureux de les accueillir.

redoutable quand il se produisait quelque

(à suivre)

 

 

 

 

 

SOLUTIONS DES JEUX DES PAGES 30-31

 

 

 

 

 

MOTS CROISةS

 

SUDOKU

 

MOTS FLةCHةS

 

 

 

A B C D E  F G H  I  J

 

3 9 1 7 5 8 4 6

 

 

 

 

 

 

 

 

 

P      L      O       I       M      L      E

 

 

 

 

 

7 1 9 8 6 2 5 3

 

 

 

 

 

C O L  I  F  I  C H E  T

 

5 8 4 3 2 7 1 9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C O L O M B E  L  L  E      A S A

 

 

 

 

 

2 5 8 4 1 3 6 7

 

 

 

 

 

O      O C E  L  L  E      R

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

T  A  T  E

T  E      R  I  P O U

 

 

 

 

1 4 3 6 7 9 2 5

 

 

 

 

 

M U G  I  R      A  L  B  I

 

6 3 2 5 9 1 8 4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

T  A B O U S      A G  I

 

S U D

 

 

 

4 6 7 2 3 5 9 8

 

 

 

 

 

P S  I

B R  I  A R D

8 2 5 9 4 6 7 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

G O      B O W L  I  N G      L  E

 

 

 

 

 

9 7 6 1 8 4 3 2

 

 

 

 

 

R E  S A  L  E  E      A  I

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

F  E U  I  L  L U

T O  I  T

P

 

E R      L  A P S U S

 

 

 

 

 

 

 

 

 

6 7 8 9 5 2 4 1

 

R      E  S      B E  S  T  I  A  L

 

 

 

 

 

5 1 2 3 4 8 7 6

 

 

 

 

 

S A B  I  N E      R E M

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

B E A U

 

 

G L U

 

 

 

8 2 1 7 6 5 9 3

 

 

 

 

 

S      R E C  I  T  E R A

 

7 8 3 4 9 1 6 5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Z  I  N C

B  L  E U  I

 

 

 

 

9 3 5 6 8 7 2 4

 

 

 

 

 

E  V  I  N      G O T O N

 

 

 

 

 

 

 

 

 

4 6 7 2 1 9 3 8

J  E

I  E

A R M E

 

 

 

 

3 4 9 1 2 6 5 7

 

 

 

 

 

E G E  E N N E      G

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C R  I

F R A  I

 

 

 

2 5 6 8 3 4 1 9

 

 

O L  A      M A  I  R  I  E

1 9 4 5 7 3 8 2

 

 

            Z O O      N      O      A      D  I  N A 12 T  A N C E       F  E R U

          P U Y D E D O M E      S  I  L

 

9 6 5 8 4 1 7 3

 

 

A  I  D E R A  I

E  S

8 7 3 2 6 4 9 5

 

 

 

 

 

D E C O R      O V  I  N E      U T

 

 

 

3 5 1 9 7 6 8 2

 

 

I  S

P  I  N A S  S  E

 

 

 

 

 

2 3 4 6 1 7 5 8

H      E C R U      A B Y M E

 

 

1 8 7 3 2 9 6 4

 

C H E R      H  I  L  E      R A      R

 

6 4 8 5 9 2 3 1

 

MOTS MةLANGةS

 

7 1 9 4 5 3 2 6

O      E  V A S  E      C E R N E

 

 

Le mot qui répond à l’énigme est:

 

5 9 2 1 3 8 4 7

 

4 2 6 7 8 5 1 9

T U Y A U T  E R  I  E      D E  S

 

 

Puceron.

 

 

 

 

Cap sur

 

Madère,un jardin sur l’océan

 

ةlue «meilleure destination insulaire d’Europe», l’île est un éden

 

pour tous ceux qui aiment marcher dans une nature aux reflets changeants.

 

 

ans ce jour à peine naissant,

nuit - par un lever ou un coucher

bénédiction pour les marcheurs.

 

un océan cotonneux et figé

de soleil au belvédère du Pico do

«Vous n’êtes pas sujet au vertige?

D

s’étend à nos pieds. ہ l’ho-

Arieiro. ہ 1818 m d’altitude, c’est le

demande Ricardo Carvalho, l’enfant

 

rizon, les premières lueurs dorées

troisième plus haut sommet de l’île.

du pays. Alors c’est parti! Vous avez

 

s’étalent, virant en longues traînées

Avec ses quasi-sœurs - Açores,

de la chance, le temps est dégagé,

 

cramoisies, annonçant bientôt l’ap-

Canaries et îles du Cap-Vert, unis

vous allez pouvoir apprécier le pay-

 

parition de l’astre. L’éclat du disque

par de profonds liens telluriques -,

sage dans toute sa splendeur.» L’un

 

solaire, déchirant le couvert nua-

Madère forme la Macaronésie.

des plus fameux treks madériens

 

geux, révèle un paysage de côtes

Quelques perles jetées au-delà

relie le Pico do Arieiro au Pico Ruivo

 

entaillées par l’océan Atlantique,

des Colonnes d’Hercule et qui

(point culminant de l’île, à 1862 m).

 

une splendeur! En octobre 2021,

furent, pour les Grecs anciens, les

Le chemin parfaitement tracé,

 

Madère a d’ailleurs remporté le prix

«îles des Bienheureux», car cen-

dallé même, enchaîne les tunnels,

 

World Travel Awards dans la caté-

sées accueillir leurs défunts.

les volées d’escaliers et les à-pics

 

gorie «meilleure destination touris-

Est-ce le climat de Madère, par-

vertigineux. Autour de nous, un pay-

 

tique insulaire d’Europe».

faitement doux toute l’année, qui

sage de reliefs abrupts et de pics

 

Il est coutume de commencer

la fit juger favorable à une paix

acérés. ہ ces hauteurs, Madère

 

son séjour - ou de finir une belle

éternelle? Il est en revanche une

affirme sa véritable nature, fille du

 

 

 

 

 

par Jean-Philippe Noël

 

volcanisme, née des soubresauts

kmet est classée au patri-

longueur est de 2000 à 3000 km,

 

terrestres il y a six millions d’années.

moine mondial naturel par l’Unesco.

on ne sait pas exactement, recon-

 

Jamais amarrée à aucune terre,

Le Vereda das Funduras («le che-

naît Liliana. La plus longue mesure

 

elle ne doit sa richesse biologique

min des profondeurs») débute près

plus de 100 km.» Les sentes qui les

 

qu’au hasard des vents et des cou-

du belvédère de Portela et sa vue

longent, destinées à leur entretien,

 

rants. Car, même dans ce paysage

plongeante sur les localités de Porto

sont devenues des promenades

 

minéral, la bienheureuse n’oublie

da Cruz et Faial, dominées chacune

aux allures d’expédition. Accrochés

 

pas qu’elle est l’île aux fleurs; si la

par la masse rocheuse de Penha

à flanc de falaise, traversant les

 

lande à bruyères domine dans cette

de ہguia, « le rocher de l’aigle »

forêts, parés de bouquets d’horten-

 

zone rocailleuse, la violette jaune

(même si ce rapace ne réside pas

sias, d’anthuriums, de bougainvil-

 

de Madère dispute les moindres

sur l’île). La randonnée s’enfonce

lées, d’agapanthes ou d’oiseaux de

 

interstices aux délicates orchidées

ensuite à l’intérieur de la forêt où les

paradis, plus de 1000 km de canaux

 

des rochers, les grasses aeonium

branches tortueuses des lauriers

sont praticables à pied! La Levada

 

ou les élégantes vipérines.

charpentent des voûtes sombres à

do Caldeirao Verde, construite au

 

Plus surprenant, dans cet uni-

travers lesquelles des percées lumi-

XVIIIesiècle, transporte l’eau depuis

 

vers si peu maritime, nidifie l’un des

neuses sont des spots sur les feuil-

les montagnes les plus élevées de

 

oiseaux de mer les plus menacés

lages d’un vert flamboyant. C’est le

l’île pour arriver au Caldeirao Verde,

 

d’Europe, le pétrel de Madère. Il ne

domaine du pigeon trocaz, mais le

un petit lac alimenté par une impres-

 

revient dans son nid qu’une fois la

bel oiseau endémique est devenu

sionnante chute d’eau. Même si on

 

nuit tombée. Lors de leurs visites

aussi rare que sa sylve protectrice.

y est rarement seul, le lieu est idéal

 

nocturnes, les oiseaux émettent des

Outre son aspect patrimonial,

pour reprendre des forces en cro-

 

cris qui ressemblent à des gémis-

cette forêt joue un rôle important en

quant dans un bolo de mel (gâteau

 

sements. «Longtemps, les locaux

tant que «productrice d’eau», car

de mélasse), l’une des friandises de

 

ont cru que ces plaintes étaient les

elle capte l’humidité des brumes.

la gastronomie locale. Avant qu’on

 

appels des âmes souffrantes des

«Grâce à sa capacité à condenser

le quitte, Ricardo nous convie à une

 

bergers morts sur ces montagnes»,

sur ses branches l’eau des brouil-

dernière balade un peu moins fré-

 

raconte Ricardo. Ces bergers qui,

lards, raconte Liliana Gonçalves,

quentée. La Boca do Risco, («le

 

tout au long du parcours, ont taillé

notre guide, le laurier de Madère

col dangereux»), ne porte pas bien

 

dans les tufs volcaniques des

est surnommé “l’arbre fontaine”.»

son nom.

 

grottes qui leur servaient de refuges.

 

Comme toute île du monde,

 

 

Des falaises d’émeraude

 

 

 

 

Madère a son sentier côtier, une

 

Envoûtantes randonnées

 

 

 

 

Sorti de la forêt, le chemin traverse

promenade en balcon sur l’Atlan-

 

Difficile, dans ce paysage miné-

les poios. Ces cultures en terrasses

tique. Sur la côte nord-est, l’an-

 

ral, de comprendre comment l’île

abritent de nombreux petits jardins

cienne trace des contrebandiers se

 

a pu prendre le nom de Madère,

potagers dans lesquels mûrissent

joue des falaises d’émeraude et du

 

qui signifie «bois»! ہ l’arrivée des

patate douce, avocat, mangue et

fracas azuré de l’Océan. Un spec-

 

premiers colons, au XVesiècle, une

quelques pieds de canne à sucre.

tacle grandiose qui rend le randon-

 

forêt s’étendait sur une grande par-

Tout cela ne pousserait pas sans

neur bienheureux!

tie de ces terres. La forêt laurifère,

un incroyable réseau d’aqueducs

 

 

ou laurisylve, abondait aux Açores,

qui, s’enfonçant loin dans les val-

 

 

à Madère et sur les îles occiden-

lées inaccessibles, transportent

 

 

tales des Canaries. Pour faire pous-

l’eau des montagnes vers les jar-

 

 

ser la canne à sucre, alors or blanc

dins du sud. Forçats, esclaves et

 

 

de la région, la hache et la houe

ouvriers portugais ont mis leur vie

 

 

ont eu raison de ces bois uniques.

en péril pour creuser dans la roche

 

 

Aujourd’hui, Madère en conserve,

ces canaux d’irrigation, les leva-

 

 

tel un trésor, une vaste étendue.

das, qui servirent d’abord à alimen-

 

 

S’étageant entre 300 et 1300 m

ter les cultures de canne à sucre,

 

 

d’altitude, la laurisylve couvre

puis toutes les plantations. «Leur

 

 

 

 

 

 

 

Cest arrivé le

par Astrid Delarue

 

 

Charles Lindbergh

 

réussit la traversée de l’Atlantique

 

Parti la veille de New York, l’«aigle solitaire» est accueilli en héros à l’aéroport du Bourget, près de Paris, le 21 mai 1927 au soir. Charles Lindbergh entre dans l’Histoire en étant le premier à traverser l’Atlantique en avion sans escale. Un véritable exploit!

 

 

ell, I dit it ! » («Eh

heures après son décollage, la nuit

chance, douze jours seulement

 

bien, je l’ai fait!»)

tombe. Il est privé de repères et

avant Charles Lindbergh: Charles

 

Tels    sont    les

n’a d’autre choix que de raser les

Nungesser et François Coli, des

W

quelques mots que

vagues pour rester concentré.

Français eux aussi. Ils ont disparu

Charles Lindbergh prononce à sa

 

 

avec leur avion, LOiseau blanc,au-

 

 

ہ bord d’un « cercueil volant »

 

sortie de l’avion ce soir du samedi

 

 

dessus de l’Atlantique.

mai 1927. Le pilote est épuisé.

 

Lindbergh connaît les risques, il

Pour tenter à son tour de relever

Le défi qu’il vient de relever est

 

l’a dit en montant dans son mono-

le défi et outre ses qualités de

tout bonnement extraordinaire:

 

plan: «Je viens d’entrer dans ma

pilote, Lindbergh a misé sur deux

parcourir en avion les 6300 km qui

 

cellule de condamné à mort. Si

choses: la chance, car il en faut,

séparent New York de Paris, sans

 

j’arrive à Paris, c’est qu’on m’aura

de toute évidence. Et la prépara-

escale et, qui plus est, en solitaire.

 

gracié. » Et il n’est pas le seul à

tion. En effet, l’avion, conçu spé-

Il est parti la veille. Ce matin

 

craindre le pire. La Fox, qui a

cialement pour l’occasion, a fait

du 20 mai, sur la piste de l’aéro-

 

flairé le scoop et profité de l’évé-

l’objet de toutes les attentions.

drome Roosevelt Field, Charles

 

nement pour réaliser à l’aéro-

Doté d’un moteur d’une puissance

Lindbergh ouvre à fond les gaz

 

drome Roosevelt Field le premier

pouvant atteindre 220 chevaux et

de son monoplan NX-211 rutilant.

 

reportage sonore de l’histoire du

d’un réservoir de 1934 litres de

Il est 7h52. L’avion, baptisé Spirit

 

cinéma, n’en a pas moins com-

capacité, le Spirit of St. Louisest

of St. Louis,peine à décoller et il

 

paré le Spirit of St. Louisà un «cer-

un petit bijou. Mais on n’a rien

rebondit plusieurs fois sur la piste

 

cueil volant». Et cette inquiétude

sans rien et pour pouvoir pro-

avant de prendre enfin son envol

 

est légitime : avant Lindbergh,

fiter au maximum de ces techni-

et de disparaître dans la brume.

 

d’autres ont tenté la traversée de

cités, Lindbergh a choisi de ne rien

ہ son bord, Charles Lindbergh,

 

l’Atlantique pour gagner le prix

emporter d’autre que l’essence ser-

ans, alors jeune pilote pour

 

Orteig, du nom du propriétaire

vant à faire tourner le moteur. Ni

l’US Air Mail, est aussi déterminé

 

d’hôtels new-yorkais. Deux ans

bagage, ni parachute, ni même de

qu’inexpérimenté en matière de

 

plus tôt, ce dernier a effectivement

radio. Tout juste quelques sand-

vol au long cours.

 

fait savoir qu’il offrirait 25000 dol-

wiches et un peu d’eau.

Au bout de trois heures, il est déjà

 

lars au premier qui réussirait

C’est ainsi équipé qu’il survole

fatigué. Il faut dire que sa concentra-

 

le vol New York-Paris. En sep-

l’Océan, luttant contre le sommeil,

tion est au maximum. Dépourvu de

 

tembre 1926, il y a donc eu René

mais aussi contre le temps. Pour

visibilité à l’avant, - elle est bouchée

 

Fonck. L’avion de ce pilote fran-

dompter le premier, il a gardé la

par l’énorme réservoir d’essence -,

 

çais n’a pas eu le temps de décoller

fenêtre du cockpit ouverte. Le

il navigue en plein brouillard à

 

qu’il s’est écrasé sur la piste, tuant

froid l’aide à se maintenir éveillé.

l’aide d’un périscope latéral, avec

 

deux membres de l’équipage. Puis

Pour le second, il ajuste sa trajec-

l’Océan pour seul compagnon. Huit

 

deux autres hommes ont tenté leur

toire et sa hauteur: lors d’un orage,

 

 

 

 

 

il reprend de l’altitude. Quand de la glace se forme sur ses ailes, il fait un petit crochet vers le sud.

 

Au bout de l’aventure,

 

la consécration

 

Lindbergh est à bout de forces et ne sait plus très bien où il en est. Il vole depuis vingt-huit heures à une vitesse moyenne de

 

km/h et à 50 mètres d’altitude,

 

lorsqu’il aperçoit les côtes irlandaises. Encore quelques efforts… Le soleil se couche quand il passe au-dessus de Cherbourg. Enfin,

 

peu avant 23 heures, heure locale,

 

il atteint Le Bourget. Là, près de 150000 personnes l’accueillent

 

sous les applaudissements et avec

 

des cris de joie. De bout en bout, durant 6300 kilomètres et trentetrois heures et demie, cette aventure aura mêlé rêve et danger,

 

tenant en haleine des foules

Son exploit retentissant

entières de curieux.

lui a valu le statut de héros

 

 

mondialement célèbre.

 

Les questions des journalistes,

 

des plus convenues aux plus anec

 

dotiques, voire délicates, fusent:

          comment a-t-il fait pour rester éveillé? Il n’a pas réussi, expli

 

quera-t-il. Mais, s’il piquait du

au lendemain du statut de total

long de sa carrière de pilote, son

 

nez, son avion piquait lui aussi,

inconnu à celui de héros mondia-

expertise sera sollicitée dans les

 

ce qui le faisait aussitôt sursauter.

lement célèbre. Son nom rejoint

plus hautes sphères. Cette célé-

 

Comment a-t-il uriné? La vérité

ainsi ceux d’autres hommes entrés

brité n’en sera pas moins assom-

 

est assez crue, mais tout compte

avant lui dans la légende de l’avia-

brie par des événements tragiques

 

fait évidente: dans sa combi-

tion, comme les frères Orville et

comme l’enlèvement et l’assassinat

 

naison, bonne à jeter, d’ailleurs.

Wilbur Wright, deux Américains

de son fils, âgé de 2 ans seule-

 

A-t-il eu peur? Bien sûr. Toutes

ingénieurs, chercheurs, construc-

ment, en 1932. L’affaire, grande-

 

les réponses qu’il donne aux jour-

teurs et pilotes. En 1903, ils ont

ment médiatisée, sera qualifiée de

 

nalistes seront autant de détails

effectué le premier vol motorisé de

« crime du siècle».

 

qui rythmeront le récit qu’il fera

l’Histoire. Ou Louis Blériot, sur-

De même, sa sympathie pour

 

plus tard de son expédition dans

nommé «l’homme qui tombe», qui

Hitler et son antisémitisme affiché

 

The Spirit of St. Louis,un livre cou-

a réussi la première traversée de

lui vaudront de perdre l’estime de

 

ronné du prix Pulitzer en 1954.

la Manche par les airs, en 1909.

nombre de ses admirateurs. Nul,

 

Pour le pilote, qui gagne dès

 

cependant, ne remettra jamais en

 

 

Triste destin

 

 

lors le surnom d’«aigle solitaire»,

 

cause ce statut de pionnier qu’il a

 

c’est la consécration. En sus des

La  nouvelle  notoriété  de

dignement gagné en volant entre

 

dollars promis, il acquiert

Lindbergh ne le quittera pas,

New York et Paris en 1927, un

 

la renommée, passant du jour

jusqu’à sa mort, en 1974. Tout au

samedi 21 mai.

n

 

 

 

 

 

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Série

 

Les Paimpolaises à la page

 

Premier chapitre pencha pour vérifier les rayons du bas.

 

Rien sous le Trivial Pursuit ni sous le jeu

 

de dames ou le nain jaune. Est-ce que Daniel

 

artine jeta un œil à la penl’avait déplacé ?

 

 

dule. Les filles arrivaient

Martine n’était pas une fée du logis et,

 

dans trente minutes: il était

même si elle s’efforçait de maintenir sa

 

temps de préparer le jeu et

maison propre, elle devait admettre qu’un

M

de sortir la théière.

léger désordre régnait continuellement entre

 

Elle referma son roman et se leva de son

ses murs. Il y avait toujours plusieurs livres

 

fauteuil. ہ soixante-dix ans, elle était encore

empilés sur les meubles, et des magazines

 

en excellente santé. Il y avait bien ce genou

de mots croisés traînaient sur les fauteuils.

 

qui la titillait un peu l’hiver, mais on était

Le crayon et la gomme glissaient sous les

 

en plein mois d’août et elle se sentait aussi

coussins et le linge à repasser envahissait

 

souple et alerte qu’une jeune fille de vingt

le moindre espace vide.

ans!

 

Mais depuis que Daniel habitait ici, elle

 

Elle ouvrit le placard des jeux de société

découvrait une nouvelle forme de bazar:

 

pour sortir le Scrabble et fronça les sourcils.

certains objets apparaissaient soudain à

 

- Flûte, marmonna-t-elle, j’étais certaine

des endroits complètement farfelus. Ainsi,

de l’avoir mis ici…

 

quand elle sortait ses souliers du meuble à

 

Elle rangeait toujours la boîte sur cette

chaussures, elle devait veiller à ne pas faire

 

étagère. Où était-elle passée? Martine se

tomber les chaussettes empilées par Daniel.

 

 

 

 

 

Les Paimpolaises à la page

 

 

D’après lui, ce qui concernait les pieds devait

voir les promeneurs sur le chemin qui

 

être placé au même endroit, que pouvait-

menait à la pointe de Guilben. Mais pas de

 

elle répondre à ça ? Il avait même réorga-

Daniel en vue.

 

nisé le garde-manger. Jusqu’ici, Martine

ہ tout hasard, elle appela :

 

s’était contentée de séparer le sucré du salé

- Daniel ?

 

et c’était déjà très bien. Mais son nouveau

- Oui, ma chérie?

 

compagnon, lui, s’appliquait à classer les ali-

Il était en bas, juste sous la fenêtre, si près

 

ments selon leur apport calorique !

du mur qu’elle ne pouvait pas le voir. Le

 

Il avait expliqué à Martine que son métier

visage levé vers elle, il fit quelques pas en

 

exigeait qu’il surveille sa ligne de très près.

arrière en brandissant une truelle:

 

Car Daniel Descharmes était chanteur pro-

- Je replace une ou deux pierres de la

 

fessionnel. Il se produisait dans toute la

lucarne du garage. Tout va bien ?

 

France et reprenait les refrains de Jo Dassin,

Elle sourit malgré elle. Les cheveux gris et

 

Jacques Brel ou Hervé Vilard avec une élé-

épais, les yeux bleus et brillants, un éternel

gance incroyable.

 

sourire aux lèvres et un corps qui ne devait

 

Excellent interprète, mais piètre composi-

rien aux apollons s’exhibant sur les plages :

 

teur, il misait tout sur son physique de chan-

Daniel était le plus bel homme qu’elle ait

 

teur de charme. « Je ne suis pas Richard

vu de toute sa vie. Encore maintenant, il

 

Anthony, disait-il d’un air malicieux, je ne

rencontrait beaucoup de succès auprès des

 

peux pas me permettre de perdre mon phy-

femmes. Mais plutôt que de se sentir jalouse,

 

sique de jeune homme, moi. »

elle était aussi fière qu’une adolescente sor-

 

ہ présent, il y avait donc une balance

tant avec le plus beau garçon du lycée.

 

dans la salle de bains et un vélo d’apparte-

Elle reprit bien vite ses esprits: il était

 

ment dans la chambre d’amis, et Martine

peut-être beau, mais ce n’était pas une

 

n’y voyait aucun inconvénient. Une seule

raison pour lui cacher ses affaires !

 

chose l’inquiétait pour le moment : l’heure

- Est-ce que tu as vu le Scrabble? Les filles

 

approchait et elle n’avait toujours pas remis

ne vont pas tarder, je ne le trouve pas !

 

la main sur le Scrabble!

- Regarde sur la terrasse.

 

- Il ne l’a quand même pas rangé ailleurs?

La terrasse se trouvait sur le côté gauche

 

Après tout, cet homme était plein de sur-

de la maison et Martine préférait ne pas

 

prises. Elle passa dans la cuisine.

se pencher davantage : ce serait le meilleur

- Daniel ?

 

moyen de finir la tête la première dans les

Pas de Daniel.

 

hortensias. Elle referma la fenêtre, des-

 

 

cendit l’escalier, traversa la salle à manger

 

 

et le salon puis sortit sur la terrasse.

 

lle monta à l’étage. Il s’installait par-

Le plateau de Scrabble trônait au centre

 

fois dans la petite bibliothèque pour

de la table. Les chevalets en plastique vert

E

se reposer, ou bien il pédalait sur son

étaient à leur place, et même la théière atten-

 

vélo en écoutant des chansons d’Adamo.

dait patiemment que les trois joueuses s’ins-

 

Personne en haut. Elle ouvrit la fenêtre de

tallent. Un parasol, ouvert et incliné juste

la chambre d’amis.

 

comme il le fallait, les protégerait du soleil

 

D’ici, la vue sur la baie de Paimpol était

pendant qu’elles admireraient la mer. Daniel

 

magnifique. Le soleil d’été faisait luire mille

avait pensé à tout.

 

reflets sur l’eau turquoise et les hortensias

- Je mettrai l’eau à chauffer quand elles

 

embaumaient l’air marin. Sur la jetée, des

arriveront, dit-il en la rejoignant.

 

vacanciers flânaient au milieu des mouettes

Elle poussa un soupir d’aise: elle avait tout

 

venues réclamer un morceau de gaufre ou

pour être heureuse. Un compagnon dévoué

 

de pain au chocolat. Plus près de la maison,

et sincère, une jolie maison, un fils aimant

 

au bout de son vaste jardin, Martine pouvait

- même s’il vivait très loin d’ici - et des

 

 

 

 

 

amitiés indéfectibles. Justement, des voix

Martine posa le livre à côté des tasses.

féminines résonnèrent soudain :

- Il t’a plu? demanda-t-elle à Babette.

- Il y a quelqu’un?

Babette réajusta ses lunettes sur son nez:

- Ohé !

- اa ne vaut pas un bon vieux roman poli-

Se sachant attendues, Babette et Josy

cier, mais oui, ça m’a plu !

s’étaient permis d’entrer par la porte don-

- Tant mieux, je le proposerai peut-être

nant sur la rue, de l’autre côté de la maison.

au club de lecture le mois prochain.

Martine les accueillit à bras ouverts.

- Ah, mais d’ailleurs, c’est ce dimanche

 

 

votre fête !

 

Martine hocha la tête.

 

     osy revenait probablement de chez le coiffeur : elle arborait une chevelure

 

J

 

rousse coupée court, qui la faisait res

 

sembler à un écureuil espiègle. Elle chan-

Il y a peu de chances que

 

 

geait de couleur de cheveux comme de

 

ça la passionne. Mais je ne sais

 

chemise et celle-ci, au moins, lui allait par

 

faitement. En effet, Martine gardait un mau

 

plus comment la dérider…

 

vais souvenir du noir corbeau de l’an passé

 

et du bleu électrique que son amie avait fiè

 

rement arboré le jour de la fête nationale.

Plus de vingt ans auparavant, alors qu’elle

 

’’

Roux, c’était très bien.

travaillait encore à la bibliothèque, elle avait

Babette la dépassait d’une bonne tête.

fondé un club de lecture avec quelques col-

Comme Martine, elle ne faisait jamais d’ex-

lègues. D’autres personnes les avaient peu

travagance capillaire et gardait ses cheveux

à peu rejoints et, chaque été, on organi-

gris au naturel. Dès les beaux jours, un hâle

sait la fête du club de lecture : une sorte de

doré lui donnait un air resplendissant.

kermesse destinée à se faire connaître et à

- Je  t’ai  rapporté  ton  livre,  dit-elle  à

recruter de nouveaux membres. Cet objectif

Martine en l’embrassant.

était rarement atteint, mais c’était l’occasion

Martine prit le roman que lui tendait

pour tout le monde de se retrouver autour

son amie et regarda le portrait de l’autrice

d’un verre de cidre.

sur la quatrième de couverture. Françoise

- Je viendrai avec Chloé, dit Babette, ça

Bourdin avait toujours une place à part

l’amusera peut-être.

dans son cœur d’ancienne bibliothécaire.

Josy fit une moue dubitative.

Bien entendu, elle chérissait les écrits de

- Je sais bien, ajouta Babette d’un air

Marguerite Yourcenar, Colette ou George

désolé, à quatorze ans il y a peu de chances

Sand! Mais Françoise Bourdin était comme

que ça la passionne. Mais je ne sais plus

une vieille copine qu’on était toujours

comment la dérider. Elle passe son temps à

content de retrouver.

bouder dans sa chambre ou bien vissée sur

- Je vais faire chauffer l’eau, glissa Daniel

son téléphone.

avant de s’éclipser.

- On peut la comprendre, répondit Josy.

Josy s’installa à l’ombre.

Si on me forçait à passer les vacances d’été

- Celui-là, on a bien fait d’aller le cher-

chez ma mamie sans me demander mon

cher, plaisanta-t-elle.

avis, moi aussi je ferais la tête !

L’été précédent, elles étaient parties

- Ses copains lui manquent. Mais c’était

toutes les trois à l’aventure sur un coup de

le but : ses parents veulent l’éloigner d’une

tête, pour retrouver l’amour de jeunesse de

petite bande qui ne fait que des bêtises.

Martine. Après une folle épopée jusqu’à

- S’ils pensent qu’elle a de mauvaises fré-

Bourges, elles avaient retrouvé le chanteur,

quentations, dit Martine en s’asseyant, ils

et les amoureux ne s’étaient plus quittés.

ont bien raison de l’éloigner !

 

 

 

 

 

Les Paimpolaises à la page

 

- Vraiment ? demanda Josy pendant que

pour les rejoindre sur la terrasse et Josy se

Daniel revenait avec la bouilloire. Comme

rembrunit: elle détestait Jean-Paul Ménard.

quand tes parents voulaient t’éloigner de

Derrière sa barbe blanche soigneusement

Daniel alors ?

taillée et son sourire de gentil grand-père,

Martine se sentit rougir: son amie avait

Jean-Paul n’était rien d’autre que le roi des

visé juste. C’était à cause de son père qu’elle

casse-pieds. Il faisait partie d’un nombre

n’avait pas pu épouser le jeune chanteur

incalculable de clubs et d’associations de

quand ils avaient tous les deux vingt ans.

la ville, convaincu que se faire élire tréso-

Elle entendait encore la voix menaçante

rier de la Confrérie des amateurs de sar-

du chef de famille : « Ma fille épousera un

dines à l’huile lui assurait le respect de

homme respectable, pas un saltimbanque! »

ses concitoyens. Depuis quelques années,

Il avait tout fait pour les séparer et il y était

il était même le président du club de lec-

parvenu. Pour un temps du moins.

ture. Pauvre Martine!

Daniel prit un air de mauvais garçon :

Josy détestait lire et se figurait mal qu’on

- J’étais une très mauvaise fréquentation!

puisse y prendre du plaisir, mais si en plus

- Le blouson noir de Paimpol, rigola Josy.

il fallait côtoyer Jean-Paul Ménard une fois

Elle appréciait beaucoup Daniel. Même

par semaine, ce club était un vrai attrape-

s’il chantait des choses un peu trop mièvres

nigaud!

à son goût, elle reconnaissait en lui des tré-

- Bonjour, Jean-Paul! sourit Martine.

sors d’humour et de gentillesse. Et surtout,

Babette et Josy plongèrent dans le sac de

il rendait Martine heureuse: c’était tout ce

lettres de Scrabble en murmurant un vague

qu’elle lui demandait.

salut. Josy croisa le regard de son amie qui

 

se composait un visage impassible. Elle

 

aussi, détestait Jean-Paul Ménard.

osy fixa rêveusement un petit bateau

ہ l’époque où Babette était encore pro-

à voile qui partait vers le large. Elle

fesseur de yoga, il avait créé l’Association

J

 

aussi avait eu des hommes dans sa vie.

Relaxation et Pilate et lui avait soufflé une

Mais il fallait sans cesse leur recoudre un

bonne partie de sa clientèle pendant au

bouton ou étendre leur linge : si c’était ça,

moins une année. La méthode de Jean-Paul

l’amour, elle préférait passer son chemin.

consistait à emmener les gens se baigner

Aujourd’hui elle vivait seule, puisque c’était

dans la Manche en plein mois de décembre

le seul moyen d’être libre. Et quand elle

pour « revigorer le cœur ».

voyait Babette passer la serpillière ou éplu-

C’était sans doute efficace pour le rythme

cher les carottes pendant que Georges lisait

cardiaque, mais beaucoup moins pour la

tranquillement le journal dans son fauteuil,

relaxation: dès l’année suivante, Babette

elle ne regrettait rien.

avait retrouvé l’intégralité de sa clientèle,

Pourtant, certains soirs, quand la solitude

désireuse de revenir à des pratiques plus

se faisait lourde, Josy aurait bien recousu

douces. Mais elle nourrissait toujours, à

tous les boutons du monde contre un peu

l’égard du roi des casse-pieds, une rancœur

de compagnie. Quelqu’un avec qui partager

bien enracinée.

son quotidien, quelqu’un à qui raconter sa

Soudain, la voix d’Adamo, sortie de nulle

journée. Ou tout simplement quelqu’un

part, se mit à chanter : « Vous permettez,

à côté de qui se lover devant Autant en

monsieur, que j’emprunte votre fille… »

emporte le ventles soirs d’hiver…

- C’est ma sonnerie de téléphone, dit

Soudain, une voix la tira de ses pensées.

Daniel en s’éloignant pour décrocher.

- Bonjour, messieurs dames!

Pendant ce temps, Jean-Paul se planta

Jean-Paul Ménard venait de pousser le

sous le parasol.

portillon qui donnait sur le chemin de la

- Martine, dit-il d’une voix sombre, j’ai

baie. Il remontait tranquillement l’allée

une terrible nouvelle.

 

 

 

 

 

Babette et Josy redressèrent la tête.

 

- اa ne doit pas être si compliqué. Et puis

Comment ça, une terrible nouvelle ?

 

Martine n’est pas un perdreau de l’année,

- La fête du club de lecture n’aura pas

 

elle a quand même fondé ce club.

lieu. Je sais, c’est une catastrophe, mais nous

 

- Bien sûr ! mais rien n’est encore prêt, je

n’avons pas le choix.

 

devais m’occuper de tout ça cette semaine…

Josy respira à nouveau. Si c’était ça,

 

- Je vous aiderai aussi, déclara Babette.

une catastrophe dans la vie de Jean-Paul

 

اa occupera un peu Chloé.

Ménard, on se demandait comment il avait

 

Josy tapota la main de Babette. Parfait.

vécu la guerre. Elle s’apprêtait à lui lancer

 

Quand elles étaient toutes les trois, rien ne

une pique bien sentie, mais en voyant le

 

pouvait les arrêter.

visage déçu de Martine, Josy eut un pince-

 

- Qu’est-ce que tu en dis, Martine?

ment au cœur.

 

- Je dis que c’est une excellente idée! Pars

- On annule, mais pourquoi? demanda

 

tranquille, Jean-Paul, on s’occupe de tout !

l’ancienne bibliothécaire d’une petite voix.

 

Il resta sans voix, hocha enfin la tête et

- Ma belle-sœur de Guingamp s’est cassé

 

s’en fut par là où il était venu. Martine se

la jambe et Jacqueline tient à ce que nous

 

tourna vers ses amies :

allions la soutenir. Nous partons demain

 

- On va y arriver, hein, les filles?

soir. Je ne serai pas là pour tout organiser,

 

- Mais bien sûr, répondit Babette. Même

la fête est donc annulée.

 

toute seule, tu ferais cent fois mieux que

Cette fois, Josy laissa échapper un hoquet

ce cornichon.

 

d’indignation. Mais quel prétentieux!

 

Martine regarda Jean-Paul qui s’éloignait

Comme si le monde s’arrêtait de tourner

 

sur le chemin de la baie, les épaules légère-

dès que « Monsieur le président » n’était

 

ment tombantes. Il aimait se sentir indis-

plus là !

 

pensable et elle eut un peu de peine pour le

- Mais on pourrait quand même essayer,

 

président : on lui avait signifié un peu trop

tenta Martine. Après tout, on l’a déjà fait

 

rapidement qu’on pouvait se passer de lui.

les autres années.

 

Elle tenterait de le réconforter dès qu’elle

- Parce que je m’occupais de tout ! Bien

 

en aurait l’occasion.

sûr, quand tout va bien, on croit que c’est

 

 

facile, mais tu ne te rends pas compte du

 

 

travail inouï que ça demande !

 

aniel revint alors sur la terrasse, le

Martine baissa la tête et caressa triste-

 

téléphone à la main et un sourire

ment le livre de Françoise Bourdin posé

D

incertain sur le visage.

devant elle. L’annulation de la fête la peinait

 

- Qu’est-ce qui se passe, mon chéri?

sincèrement. Jean-Paul prit un air contrit:

 

- C’était Christophe.

- Je suis désolé, Martine. Mais je te laisse,

 

- Qui est Christophe? demanda Josy.

je dois encore voir les autres membres du

- Mon fils.

 

club, je tiens à leur annoncer moi-même la

 

Martine et Daniel avaient passé des décen-

mauvaise nouvelle…

 

nies éloignés l’un de l’autre et ils avaient

Au moment où Jean-Paul tournait les

 

vécu leur vie. Alors que Martine avait sage-

talons, Josy s’écria:

 

ment épousé Claude, l’homme imposé par

- Je n’ai rien à faire cette semaine, moi.

 

ses parents, Daniel avait papillonné à droite

Je peux aider Martine.

 

et à gauche avec une insouciance de jeune

Le président lui lança un regard méfiant.

 

homme. Entre deux concerts, Daniel avait

- L’aider à quoi ?

 

même pris le temps de faire des enfants.

 

 

- ہ organiser votre kermesse!

 

- Tu as déjà organisé une fête associa-

(à suivre)

 

 

tive, Josy?

 

Elle lui offrit son plus beau sourire:

Anne RONDEPIERRE

 

 

 

 

 

La bonne cuisine

 

Grandes salades

  de printemps

 

César, niçoise et taboulé, on bouscule ces classiques et leur sauce

        pour en faire des plats complets, gourmands, sains et originaux.

 

Taboulé

 

     de quinoa aux fraises

 

pour 4 personnes préparation : 25 min cuisson : 10 min

 

Ingrédients : 60 g de quinoa

          350 g  de  fraises  de  France 1/2 concombre2 oignons nouveaux1/2 botte de radis roses 4 brins de menthe4 brins de coriandre (ou de basilic)1/2 citron (jus)4 c. à soupe d’huile d’olive poivresel.

 

Réalisation

 

- Rincez le quinoa et faites-le cuire 10 min dans de l’eau bouillante salée. ةgouttez-le.

 

          -ةqueutez les fraises et coupez-les en deux ou quatre, selon leur taille.

 

Rincez et séchez le concombre, cou

 

pez-le en morceaux ou en tranches

 

fines. ةmincez les oignons. Nettoyez

 

les radis et coupez-les en lamelles. Effeuillez et ciselez les herbes. - Mettez tous ces ingrédients avec

 

le quinoa dans un saladier. Mélangez

 

le jus de citron et l’huile d’olive, salez

 

et poivrez. Versez sur le taboulé et remuez doucement.

 

- Servez  frais  ou  à  température ambiante.

 

 

 

 

par Caroline Alice

 

Salade César au poulet, tomates cerises et avocats

 

pour 4 personnes - préparation : 25 min - cuisson : 15 min

 

Ingrédients : 4 escalopes de pou-

Réalisation

Préparez la sauce: mélangez tous les

 

-Faites cuire les œufs 6 min dans de

ingrédients.

 

 

let16 tomates cerises2 avocats

 

l’eau bouillante.

-Mêlez les 3 salades et disposez-les

 

 

4œufs1citron(jus)2oignons

 

          - Ouvrez  et  dénoyautez  les  avodans les assiettes. nouveaux8 tranches de lard80 g

 

          cats. ةpluchez-les et coupez-les en - Répartissez dessus les tomates de mesclun80 g de jeunes pousses

 

          lamelles. Arrosez de jus de citron. cerises, les avocats, les escalopes, 60 g de salade icebergcopeaux

 

ةmincez les oignons nouveaux.

le lard, les œufs et les oignons.

 

 

de parmesanhuile d’olive. Pour la

 

          -Cuisez les escalopes de poulet dans - Parsemez de copeaux de parmesauce: 300 g de fromage blanc4 c.

 

          une poêle huilée et faites dorer les san, puis servez avec la sauce et des à soupe de vinaigre de cidre2 c. à

 

          tranches de lard dans une poêle à sec. tranches de pain grillé. soupe de mielpoivresel.

 

 

 

 

La bonne cuisine

 

Taboulé de chou-fleur au pamplemousse

 

     pour 4 personnes - préparation : 20 min - pas de cuisson - réfrigération 1 h bouquets. Placez-les dans le bol du les morceaux de pamplemousse. Ingrédients: 1/2 chou-fleur1 pam

 

          robot, mixez et pulvérisez pendant Mélangez le tout avec le chou-fleur. plemousse rose bio1 avocat2 c.

 

          à 15 s ou bien râpez-les finePréparez la vinaigrette: fouettez tous à soupe de coriandre ciselée1 c.

 

          ment. Transférez le chou-fleur dans les ingrédients dans un bol. Versez à soupe de menthe ciselée30 g

 

 

un grand saladier et salez immédia-

cette vinaigrette sur la salade.

de pistaches émondées1/2 c. à

 

 

café de sel Cérébos ةquilibre fin.

tement. Mélangez bien et réservez.

- Ajoutez la coriandre et la menthe,

Pour la vinaigrette: 1 citron vert (jus)

-Coupez les extrémités du pample-

puis mélangez à nouveau.

 

mousse, puis pelez-le à vif. Prélevez

-Réservez au réfrigérateur pour 1 h.

5 cl d’huile d’olive 1 c. à soupe

 

 

 

ensuite les suprêmes avec délica-

- Pendant ce temps, concassez les

de vinaigre de cidre 1/2 c. à café

 

 

de sel Cérébos ةquilibre fin.

tesse. Recoupez chaque suprême

pistaches au pilon ou à l’aide d’un

 

en trois.

grand couteau plat.

Réalisation

- ةpluchez  l’avocat  et  coupez-le

-Au moment de servir, parsemez les

- Coupez le 1/2 chou-fleur en petits

en gros dés de la même taille que

pistaches sur la salade.

 

 

 

 

 

          Salade de lentilles au pamplemousse

 

pour 4 personnes

 

préparation : 20 min - cuisson : 10 min

 

          Ingrédients: 300 g de lentilles corail2 pamplemousses roses2 c. à soupe de baies de goji2 c.

          à soupe de cranberries100 g de copeaux de Sbrinz AOPquelques brins de ciboulette. Pour la vinaigrette: 2 c. à soupe de jus de citron ou d’orange4 c. à café d’huile d’olive2 c. à café de mielpoivresel.

 

Réalisation

 

- Rincez les lentilles à l’eau claire et faites-les cuire selon les indications du paquet. Passez-les sous l’eau froide et égouttez-les.

 

- Pelez les pamplemousses à vif à l’aide d’un couteau bien aiguisé, puis prélevez les suprêmes (c’est-à-dire la chair sans la peau).

 

Préparez la vinaigrette: émulsionnez tous les ingrédients.

 

          -Assaisonnez les lentilles avec la vinaigrette, mélangez. Ajoutez les baies de goji et les cranberries, puis posez

 

les suprêmes de pamplemousse dessus. Parsemez de

 

copeaux de fromage et de ciboulette ciselée.

 

Salade niçoise aux gnocchis

 

pour 6 personnes

 

préparation : 10 min - cuisson : 20 min

 

          Ingrédients : 1 kg de haricots verts10 tomates cerises 1/2 oignon rouge en tranches100 g de thon à l’huile d’olive 7 gdebeurre1sachetdegnocchisàpoêlertraditionGiovanni Rana4 œufs durshuile d’olive extra-viergevinaigre de vin

          rougepoivresel.

 

Réalisation

 

-Plongez les haricots verts dans une casserole d’eau bouillante

          salée et faites cuire 15 min. ةgouttez et laissez refroidir. - Coupez les tomates cerises en deux, mettez-les dans un plat de service avec l’oignon, le thon et les haricots verts. Mélangez. Assaisonnez d’huile d’olive, de vinaigre, de sel et de poivre. - Faites fondre le beurre dans une poêle. Ajoutez les gnocchis et laissez revenir à feu moyen en remuant.

 

- Transférez les gnocchis bien dorés dans le plat. Ajoutez les œufs durs coupés en quartiers, mélangez et servez.

 

 

 

 

Nos amis les animaux

 

Des animaux à l’hôpital

 

Si ce type d’initiative reste rare en France, des établissements hospitaliers commencent à ouvrir leurs portes à nos compagnons à quatre pattes, pour le plaisir et le bien-être des patients.

 

 

es bienfaits de la présence

, les propriétaires de chiens

dans les services de soins pallia-

 

animale sur le tempérament

et de chats à recevoir la visite de

tifs. Chiens, chats, lapins, cochons

L

humain sont nombreux et

leur compagnon à quatre pattes.

d’Inde ou tortues offrent une paren-

 

ont fait leurs preuves depuis long-

Pour les malades, les bénéfices

thèse enchantée aux malades,

 

temps. Néanmoins, les hôpitaux,

sont énormes. En plus de les aider

leur apportant un peu de dou-

 

qu’ils soient publics ou privés,

à mieux supporter leur séjour à

ceur. Si ce type d’initiatives tend

 

se montrent toujours extrême-

l’hôpital en leur procurant bien-

à se développer dans les Ehpad et

 

ment réticents à l’idée d’accueillir

être, satisfaction et détente, conti-

les instituts médico-sociaux, elles

 

des bébêtes à poils ou à plumes.

nuer de voir leur animal constitue

demeurent trop rares en France,

 

L’hygiène demeure le principal motif

souvent une motivation supplé-

au sein des hôpitaux. Certains,

 

invoqué par les directeurs d’établis-

mentaire pour aller mieux et ren-

heureusement, n’hésitent pas à

 

sements ainsi que par les équipes

trer à la maison.

franchir le pas. Zoom sur quelques

 

soignantes. Pourtant, un protocole

Certains hôpitaux organisent

initiatives originales.

 

très strict permet de réduire quasi-

des séances de médiation animale

 

 

 

 

William et ses chiennes

 

ment à zéro les risques d’infection.

(ou zoothérapie), notamment dans

 

 

ہ ce jour, en France, seul le ser-

les services d’oncologie pédia-

William Lambiotte et ses quatre

 

vice de réanimation de l’hôpital

trique, pour les enfants atteints de

chiennes soignent les troubles

 

Cochin, à Paris, autorise, depuis

cancer, ainsi que pour les adultes,

psychiatriques. ہ l’établissement

 

 

 

 

 

par Karine Touboul

 

public de santé mentale de la

à l’extérieur. Les traitements médi-

En 2016, Hassen décide de

Somme, à Amiens, ce sont les

camenteux sont réduits, voire sup-

quitter le monde de la scène pour

chiens qui soignent les malades.

primés. 325 patients, de 6 à 98 ans,

rejoindre celui de l’hôpital. Il fonde

Tout commence en 2010. William

ont été pris en charge par William

l’association Les Sabots du cœur.

Lambiotte, infirmier psychiatrique

et ses infirmières à quatre pattes.

Depuis maintenant six ans, lui et

au sein de l’établissement, possède

 

Peyo interviennent à la demande

 

Peyo, le cheval médecin

 

une double casquette, puisqu’il tra-

 

des professionnels de santé pour

vaille également comme compor-

En 2011, Hassen Bouchakour,

apaiser et réconforter les enfants

tementaliste et éducateur canin.

cavalier et dresseur équestre, fait

atteints de cancer ainsi que les

Ayant constaté, depuis de nom-

l’acquisition de Peyo, un étalon de

adultes en soins palliatifs. Comme

breuses années, les multiples bien-

six ans au tempérament fougueux.

n’importe quel membre du person-

faits des chiens sur les humains, il

Ensemble, le tandem parcourt le

nel soignant, le cheval déambule

propose à sa direction de mettre en

monde entier pour participer à

dans les couloirs des établisse-

place des séances de cynothéra-

des compétitions et se produire en

ments hospitaliers de Calais, Lyon,

pie (soins avec pour médiateur un

spectacle. Mais, au fil du temps,

Dijon, Angers et Le Mans. C’est tou-

chien, dit «thérapeutique»), à des-

Hassen remarque que sa mon-

jours lui qui mène la danse puisqu’il

tination des patients, dont la plu-

ture se dirige spontanément vers

choisit lui-même les patients aux-

part souffrent de pathologies très

les plus fragiles, comme les enfants

quels il rend visite. Accompagné

lourdes, comme des bouffées déli-

atteints de cancer ou les personnes

d’Hassan et de l’équipe soignante,

rantes, des crises de paranoïa ou

âgées ou malades. Intrigué, il se

il pénètre dans leur chambre. Avec

d’importants accès de violence,

rapproche alors de vétérinaires,

une extrême douceur et une infi-

envers les autres ou eux-mêmes.

neurologues, psychologues et psy-

nie tendresse, l’impressionnante

Depuis maintenant douze ans,

chiatres pour tenter de décrypter le

bête pose son museau sur leur

William intervient avec ses quatre

comportement de son cheval.

main ou sa tête contre leur épaule.

chiennes, qui sont devenues ses

Durant quatre ans, des études

Une connexion magique se crée.

collègues de travail. ةvie et Fatou,

sont menées, montrant que Peyo

Grâce à sa présence bienveil-

deux cavaliers king charles, Zoé, un

possède un fonctionnement céré-

lante, «docteur Peyo», comme on

golden retriever et Louna, un ber-

bral unique. Actuellement, une

le surnomme, réconforte ainsi les

ger allemand, composent cette

équipe de scientifiques planche

patients, permettant de réduire les

équipe de choc. Les séances,

sur sa capacité instinctive à détec-

doses d’anxiolytiques et d’antal-

prescrites sur ordonnance par les

ter les cancers et les tumeurs ainsi

giques, et accompagne, dans la

médecins de l’hôpital, comportent,

que sur son choix d’accompagner

paix et la sérénité, certains malades

pour chaque patient, des objectifs

les personnes en fin de vie.

jusqu’à leur dernier souffle.

 

 

précis à atteindre, comme la stimulation sensorielle, la motricité

 

Les animaux de la ferme aussi

 

ou encore la capacité à commu

 

Depuis l’été 2019, des ânes, poneys, moutons

 

niquer. Caresses, brossages, jeux,

 

et poules ont élu domicile au sein des

 

promenades en laisse dans le parc

 

Hôpitaux de Saint-Maurice (Val-de-Marne).

 

ou à l’extérieur du centre et pique

 

L’association آnes en ville, dont l’objectif est

 

niques avec les chiens font partie

 

de développer les contacts entre les hommes

 

du programme de soins.

 

et les ânes, tout en créant des coins de

 

Bien que, scientifiquement et

 

nature en ville, a aménagé un espace extérieur

 

rationnellement, il soit impos

        de 10250 m, en plein cœur de ce complexe sible d’expliquer les bienfaits de

 

hospitalier de l’Est parisien. L’association

 

la cynothérapie, les résultats sont

 

anime ainsi des ateliers de médiation animale

 

impressionnants. Les troubles du

 

destinés aux patients des services de

 

comportement diminuent, l’anxiété

 

gériatrie et de psychiatrie, ainsi qu’aux enfants

 

Peyo, un cheval

 

disparaît, l’estime de soi s’améliore. en suite de soins et en réadaptation.

 

au grand cœur.

 

Les patients s’ouvrent aux autres et

 

 

 

 

Allons au jardin

 

Le chardon bleu

 

Roi incontesté des Alpes

 

Plante emblématique des Alpes, le chardon bleu est aujourd’hui une espèce rare et menacée. Rencontre avec cette belle des montagnes dont la couleur bleu acier fascine les amoureux de la nature.

 

 

vec ses élégantes fleurs

Hautes-Alpes, ainsi que dans le

si des mesures de conservation

 

bleutées, cette plante her-

massif de la Vanoise, en Savoie.

spécifiques n’étaient pas prises.

A

bacée vivace a très tôt reçu

Le panicaut des Alpes apprécie

Heureusement, le panicaut des

 

le nom de chardon bleu. Pourtant,

les sols calcaires, entre 1200 et

Alpes est protégé au niveau national

 

ce chardon bleu des Alpes (eryn-

100 m d’altitude. Il s’épanouit

depuis l’arrêté du 20 janvier 1982. Il

 

gium alpinum),également appelé

dans  les  prairies  aux  herbes

est donc formellement interdit de le

 

panicaut des Alpes, n’a de chardon

hautes, les pâturages et les cou-

cueillir, de l’arracher ou de prélever

 

que le nom. Il est en réalité ratta-

loirs d’avalanches. ہ noter que l’on

tout ou partie de la plante.

 

ché à la famille des Apiacées, des

trouve également eryngium alpi-

Le chardon bleu est également

 

plantes à fleurs qui appartenaient

numsur d’autres sites en Europe,

protégé au niveau européen dans le

 

auparavant aux Ombellifères.

notamment dans le massif du Jura

cadre du réseau Natura 2000, dont

 

Ce chardon déguisé est donc un

et dans les Dinarides, un massif

l’objectif est de maintenir la biodiver-

 

cousin de la carotte, de la coriandre

montagneux des Balkans.

sité de certains sites naturels dans

 

et du persil, et mesure 30 à 60 cm.

 

l’Union européenne. Si la cueillette

 

 

Une espèce protégée

 

 

Au sommet de sa tige se trouve

 

a fragilisé l’espèce, ce ne fut pas la

 

une inflorescence: de minuscules

D’une grande beauté, le char-

seule menace. L’évolution des pra-

 

fleurs blanches groupées en tête

don bleu des Alpes a été victime

tiques agricoles en montagne l’a

 

oblongue. Cette inflorescence est

de son succès et a longtemps été

également mise en danger. Avec

 

entourée, à sa base, d’une dizaine

l’objet d’une cueillette intensive. On

des terres fauchées et pâturées trop

 

de bractées d’un somptueux bleu

en retrouvait des bouquets séchés

tôt dans la saison, les populations

 

métallique. Finement découpées,

dans chaque maison traditionnelle

de chardons bleus, qui n’avaient pas

 

ces bractées forment une collerette

alpine, mais aussi dans les établisse-

le temps de monter en graines, ont

 

épineuse caractéristique.

ments touristiques de la région. On

eu tendance à régresser.

 

Surnommé «la reine des Alpes»,

le replantait à foison dans les jardins.

Des mesures de protection ont

 

le chardon bleu est une espèce qui

Dès 1974, le botaniste Pierre

donc été mises en place ces der-

 

fleurit en juillet et août. Il fait par-

Gensac, professeur à l’université

nières décennies pour favoriser le

 

tie du patrimoine naturel et culturel

Savoie-Mont-Blanc de Chambéry,

panicaut des Alpes sans empêcher

 

des Alpes depuis des siècles. Dans

alertait sur une possible disparition

l’activité agricole. Parmi celles-ci:

 

certains villages, la fête du char-

du chardon bleu. C’est «une plante

une fauche et un pâturage tardifs

 

don bleu était un temps fort de l’an-

très ramassée dont la cueillette

après la floraison, la clôture tempo-

 

née. Aujourd’hui, on peut encore

devrait être interdite» préconisait-

raire de parcelles, le débroussaillage

 

l’observer dans son habitat natu-

il. Depuis, l’Union internationale pour

pour limiter le développement de

 

rel. En France, les populations les

la conservation de la nature a classé

plantes ligneuses, l’aménagement

 

plus importantes se trouvent dans

le chardon bleu parmi les plantes

de sentiers de randonnée pour évi-

 

la vallée du Fournel, au cœur du

proches du seuil des espèces

ter de piétiner cette flore fragile, etc.

 

parc national des ةcrins, dans les

menacées ou qui pourraient l’être

Le chardon bleu est ainsi devenu

 

 

 

 

 

Trop cueillie

 

pour sa grande beauté,

          la plante est

 

aujourd’hui protégée.

 

une espèce parapluie: en le proté-

que ces chardons bleus n’ont pas

températures jusqu’à -15 °C. L’hiver,

geant, d’autres espèces végétales et

été prélevés dans leur milieu naturel.

il faudra surtout veiller à le proté-

animales, associées à son écosys-

Cette plante, qui fleurit en été, est

ger de l’humidité et des attaques de

tème, sont également impactées.

très appréciée des insectes pollini-

mildiou qui font pourrir ses racines.

 

sateurs (abeilles, bourdons et papil-

 

Le chardon bleu au jardin

 

 

 

lons). Elle doit être cultivée en pleine

Carole BOURSET

Menacé, le panicaut des Alpes

terre, et non en pot, car ses racines

 

est donc rare à observer dans son

sont profondes et pivotantes. Le

 

 

 

Ne les confondez pas

 

milieu naturel. On peut toutefois en chardon bleu a besoin d’un maxi

 

Le chardon bleu des Alpes est plutôt

 

contempler dans de nombreux jarmum d’ensoleillement, mais craint

 

simple à reconnaître, au jardin comme

 

dins alpins en France, notamment les fortes chaleurs estivales. Il aime,

          dans son milieu naturel. Toutefois,

 

le merveilleux jardin botanique du bien entendu, les jardins de mon

 

il ne faudrait pas le confondre avec

 

col du Lautaret, dans les Hautestagne, mais peut s’épanouir ailleurs,

          l’azurite (echinops ritro).Si ces deux

 

Alpes. Il s’épanouit également dans

à condition d’être planté dans un

 

 

 

espèces végétales ne se ressemblent

les jardins et potagers. Très déco-

sol pauvre, frais et bien drainé. Les

guère, elles sont pourtant toutes deux

ratif, il permet de réaliser de magni-

semis précoces se font dès l’au-

appelées chardon bleu. Mais echinops

fiques bouquets de fleurs séchées.

tomne sous châssis non chauffé

ritroest, lui, un véritable chardon.

 

 

Il appartient donc à la famille

 

Vous pourrez vous en procurer des ou dès mai, directement en place.

        des Astéracées. C’est une plante qui

 

plants en jardinerie ou sur les marPrenez garde aux limaces et escar

          pousse spontanément sur le pourtour

 

chés. Attention toutefois: ils doivent gots, friands des jeunes pousses!

        méditerranéen, se plaisant dans des

 

être vendus avec un certificat offiLe chardon bleu est toutefois une

 

paysages de garrigue. On le reconnaît

 

ciel mentionnant la date et le lieu espèce végétale facile à vivre. Il ne

 

facilement à ses jolies inflorescences

 

de récolte, et le nom du cultivateur. nécessite ni arrosage, ni engrais,

 

en forme de petites boules bleutées.

 

Cela vous permettra d’être certain ne craint pas le gel et résiste à des

 

 

 

 

Enfant dans les roses trémières

          Berthe MORISOT (1841-1895)

 

Le musée des Veillées

Collection privée

 


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2016